DES MISSIONS ARTISTIQUES
extrait
FICTIONS PRESQUES VRAIES

Des histoires telles qu’il s’en produit si souvent aujourd’hui, depuis que les artistes sont invités à recréer du « lien social ».

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On avait préparé le dossier ensemble, mais lorsqu'il a fallu désigner quelqu'un pour présenter le projet devant le jury, les autres m'ont poussé à y aller. Ils trouvent que je présente bien et que je suis plus diplomate, mais ça n'a pas vraiment été le cas cette fois-ci. Déjà, dans le RER, j'étais un peu tendu. C'était la première fois qu'on répondait à un appel à projet aussi important, et je n'aimais pas comment il avait été rédigé. Mais bon, il faut croire qu'on en avait bien compris les sous-entendus, vu qu'on faisait partie des 3 seules équipes sélectionnées – c'est sûr que l'offre de résidence avait dû allécher beaucoup plus de monde que ça…

Je me suis rendu à la salle annexe de la mairie, où j'avais rdv à 9H30 précises. Ils ne m'ont pas trop fait attendre : ils étaient déjà tous assis derrière un ensemble de tables disposées en U. Je me suis installé derrière une petite table face à eux. Ils m'ont laissé présenter le topo sans me couper, en opinant de temps en temps, mais surtout en bavardant entre eux, ce qui m'a à la fois énervé et décontenancé. Ils se susurraient des trucs à l'oreille et puis ils se jetaient des regards complices, un rien goguenards. J'ai essayé de ne pas trop y prêter attention, mais ce n'est pas comme si j'avais fait la grasse matinée, alors je me suis efforcé de faire concis et je leur ai laissé le champ libre.

Ils m'ont fait quelques remarques, du genre mélanger le cirque et la musique, c'est très bien, ce que vous dites ça fait moderne, et le thème, oui, c'est intéressant, on pourrait même dire commun/commune, ha ha, ça serait drôle, non ? J'avais l'impression qu'ils se parlaient entre eux plutôt qu'ils ne m'adressaient la parole, je ne voyais pas trop ce que je pouvais répondre à ça ; même la directrice de la scène nationale (pas réputée pour être une tendre, pourtant) n'osait pas interrompre les fanfaronnades des politiques.

Finalement, c'est l'un d'entre eux qui a mis un terme à leur bavardage. Il a toussé un peu, m'a regardé dans les yeux, puis il m'a dit, d'une voix forte et assurée, presque martiale : « Bon, votre projet a l'air bien. Mais pouvez-vous me dire quel est votre rapport au territoire ? »

Sur le coup, je n'ai pas su quoi dire. Je n'ai même pas vraiment compris la question. Parce que ce n'est pas comme si on n'en parlait pas dans notre dossier. Au contraire, il y avait des ateliers, des rencontres, on avait même prévu ça comme des moments de création à part entière et, surtout, on avait exposé notre méthode, les postes d'observations, les collectes… Il m'a coupé : « Oui, oui, je vois tout ça, mais ça reste un peu flou. Moi, j'aimerais savoir quelle est votre action à l'échelle du territoire… »

À partir de là, j'ai su que c'était foutu.

J'ai réussi à garder mon calme, pourtant, je ne l'ai pas remis à sa place, avec son petit, tout petit sourire narquois. Je ne lui ai pas dit que même lui était incapable de me dire ce qu'il entendait par « territoire », que c'était trop grand, trop hétérogène pour qu'on puisse vraiment dire ce que c'était ; que c'était pour ça, justement, qu'on n'avait pas un programme tout ficelé aux quatre coins de la ville, de rencontres pas plus que de spectacles, mais qu'on avait prévu au contraire de s'y immerger, parce que, avant de savoir quoi faire et de créer leur fameux « lien social », on avait beaucoup à apprendre…

 

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Tel que nous l'avions lu sur le papier, ça s'annonçait très bien.

Mais il y a un monde entre les promesses et ce qui se passe effectivement, quand l'histoire s'engage et qu'elle nous entraîne avec elle.

Ça fait de nombreuses années que nous travaillons avec la ville. Il faut être honnête et bien dire qu'elle nous soutient activement et fidèlement (ce qui n'empêche pas, cependant, les incompréhensions, et parfois les confrontations). Mais nous ne pouvons pas nous plaindre : la mairie nous loue un superbe espace à des tarifs si dérisoires qu'on pourrait presque dire qu'elle nous le prête. Et puis, elle nous considère comme son « partenaire privilégié ».

Cette appellation ronflante ne nous impressionne guère, mais nous nous appliquons à la préserver tout en en tirant partie. Car cela nous ouvre de nombreuses possibilités auprès des habitants, notamment pour organiser des ateliers. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait pendant de nombreuses années avec le collège, en travaillant de manière intensive, avec une seule classe à la fois, ce qui nous permettait d'accompagner les élèves très loin, pour notre satisfaction à tous.

Mais, cette année, le budget alloué par la ville aux ateliers a augmenté, et au lieu qu'il nous soit confié de gré à gré, il a été associé à un appel à projet auquel nous avons dû répondre. Rien de bien difficile quand on est habitué à de telles démarches. Il n'y a qu'à déchiffrer le langage administro-politico-lyrique et à adapter un projet, en l'occurrence celui que nous faisions déjà, puisqu'il était question « d'actions sur le territoire ».

Certes, vous pourriez me faire remarquer que tous les ennuis que nous avons eu par la suite étaient prévisibles, que ce qu'ils nous ont reproché était inscrit dans l'appel à projet. J'en conviens. Mais quand vous êtes en cours de création et que vous en gérez une autre, que vous êtes en train de clôturer votre saison tout en préparant les résidences de celle d'après, quand vous n'avez que quinze jours pour proposer un projet, et que tout le monde est occupé voire submergé par le travail, vous comprendrez que nous n'ayons pas pris le temps de peser tous les mots et de décoder les sous-entendus de ces formules alambiquées dont même les auteurs ne devaient pas bien saisir ce qu'elles signifiaient.

Malheureusement, nous avons compris trop tard ce qui avait vraiment changé. Trop tard, parce qu'à l'occasion d'une réunion du « comité de pilotage » du projet, quand l'assistant de l'adjoint à la culture, devant son mentor, nous a dit que nous ne pouvions nous contenter d'un atelier avec une seule classe d'un unique collège, que nous devions, d'une manière ou d'une autre, « impacter » un maximum d'élèves, mais aussi leur famille et, plus largement, tous les habitants de la ville, en organisant des « événements » (je ne sais pas s'il n'a pas précisé : « festifs ») en dehors du cadre scolaire, notamment dans divers équipements municipaux…

Nous sommes restés interdits devant l'aplomb avec lequel le gamin (à peine sorti de l'école de commerce, sans doute) venait de nous expliquer notre mission. Nous avons essayé de lui faire comprendre que ses discours étaient irréalistes, que notre expérience, tout au moins, nous rendait vraiment dubitatifs quant à la possibilité de mener à bien un tel projet, que, d'ailleurs, nous ne pensions pas que c'était une bonne chose, que nous souhaitions au contraire poursuivre une histoire qui continuait à nous faire rêver… Peine perdue ! C'était à croire que l'assistant de l'adjoint était amputé de certaines terminaisons nerveuses et nous regardait faire une gymnastique buccale sans en comprendre la fonction. Il ne pouvait tout simplement pas nous entendre. Et comme tout ce discours arrangeait bien les comptes politiques de l'adjoint assisté, il a fallu nous y plier et changer le scénario.

Tout le monde étant, comme d'habitude, engagé dans de multiples projets, nous avons fait de notre mieux pour honorer les désirs de nos commanditaires, en demandant à notre médiatrice de prévenir la classe et le collège, à notre chargée des publics de contacter les maisons de quartier, les espaces culturels, même la salle polyvalente. Aucune association partenaire de la mairie, aucune structure municipale ne semblait être au courant et, même si elles ne refusaient pas le principe d'une collaboration, elles avaient d'autres chats à fouetter, ainsi qu'en témoignaient leurs plannings bien remplis.

Alors nous avons dû négocier, proposer des solutions qui, certes imparfaites, nous permettaient d'élargir les « publics » et de remplir le cahier des charges de la mairie. Nous avons ventilé les ateliers dans une dizaine de classes du collège. Ça a douché l'enthousiasme des élèves et coupé la dynamique, il n'en est pas sorti grand-chose, mais nous avons récupéré et arrangé tout ce qui était exploitable. Nous avons obtenu des créneaux de diffusion dans quelques lieux, à des horaires inhabituels (c'est le cas de le dire!), en général sans technicien, et organisé des restitutions où, pour remplir les salles autant que les objectifs qui nous étaient impartis, nous avons fait appel aux centres aérés aussi bien qu'aux maisons de retraite.

Finalement, cette expérience nous aura demandé beaucoup de ressources, bloquant plusieurs d'entre nous dans des taches d'organisation et de gestion fastidieuses, pour préparer des ateliers qui n'ont satisfait ni les intervenants, ni ceux qui y ont participé, et ces ateliers n'ont servi que de prétextes à des restitutions qui étaient plutôt celles de nos travaux en cours, que le public a regardé en position de spectateur incrédule, sans en comprendre le moins du monde les enjeux.

La mairie nous a demandé de poursuivre le « projet » l'année prochaine.

 

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Franchement, non, les conditions sont pas idéales, tu vois ? J'veux dire, ouais, c'est cool, je bosse avec une structure, ils sont bien introduits avec les institutions, au niveau local et même national, ils décrochent plein de projets, d'ateliers et tout, ils m'en filent certains, c'est bien, j'ai pas à me galérer pour chercher, ni à me plaindre, hein ? Tout le monde a pas cette chance.

C'est vrai que c'est pas facile tous les jours de travailler avec les mômes en ZEP. En plus, y a des profs, franchement, j'veux rien dire, ça doit être un boulot super dur, je serais bien incapable de faire ça, mais bon, certains ils nous aident pas trop, quoi, ils se reposent sur nous, ça leur fait un peu de vacances, c'est épuisant c'qu'ils font. Quand tu vois les mômes, ils sont speed, ils vont à 100 à l'heure, ils s'arrêtent pas, quoi ! Mais, aussi, 'faut dire, ils sont attachants, épatants même, cela dit tout simplement, on va pas tomber dans les clichés !

Y a des fois, par exemple, on part pas défaitiste, mais bon, ça paraît difficile, on se dit, par exemple, que 6 heures pour faire un POMNDLR : Petit Objet Multimédia, format court, associant en général images et sons, éventuellement accompagné d'une interactivité sommaire. sur une œuvre d'art qu'on connaît pas, qu'on a jamais vue, ou seulement entr'aperçue dans l'espace public, c'est un peu léger, ou carrément du foutage de gueule ! On se donne bonne conscience à bon compte : on permet aux enfants « d'accéder à la culture », on les sensibilise à « l'art » ; d'ailleurs, c'est en bas de chez eux et ils n'avaient même pas compris que c'était de l'art : les 3 lettres magiques, A-R-T, j'dis bravo, là !

Mais les mômes, ils sont plus ouverts que nous : on leur montre les œuvres et ça les fait marrer, ils tripent direct ; alors ils prennent de super photos, parfois, j'déconne pas, et puis ils racontent des histoires… Ça, ils ont de l'imagination ! Et puis, le grand kif, ça a été quand je leur ai passé l'enregistreur, le « registreur » comme disait la p'tite… D'entendre les sons, comme ça, ça les a rendu tout fous, ils cherchaient les bruits et puis ils s'enregistraient, ils se prenaient pour des journalistes et des stars, vraiment, c'était drôle !

Enfin, ça a pas été simple à monter derrière, tout ça, mais bon, on prend l'habitude, y a des raccourcis et au bout du compte, finalement, ça a vraiment été une bonne expérience, j'regrette pas…

 

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Le truc qui m'a vraiment rendu vénère, c'est le plan avec la DRAC.

L'idée de départ était vraiment cool, pourtant. Tu vois, c'était organisé par une prof d'arts pla, qu'avait déjà pas mal bossé avec les huiles, justement. La nana, vraiment investie, ça fait plaiz, qu'a plein d'idées et tout… C'est en ZEP, aussi, mais là le bahut est neuf, tu vois, ils ont foutu les moyens, y a des super espaces, un énorme hall avec plein de place pour afficher des trucs, et même des grands.

Là, c'était un gros projet, on était plusieurs artistes sur le coup, on devait refaire des œuvres avec les mômes. Des œuvres d'art, existantes, on a cherché à comprendre l'idée de l'artiste et à la rejouer avec nos moyens, avec du dessin, de la photo, de la récup, du volume, etc. Ça a été un chouette boulot, les mômes étaient vraiment partants ! Ils avaient déjà eu des ateliers, alors ils ont démarré au quart de tour ; il fallait juste un peu les canaliser, retenir leur attention, et les réorienter vers le taf quand ils commençaient à être dissipés. Car bon, y a pas à chier, eux, c'qu'ils préfèrent, c'est faire les cons et jouer aux pipelettes, genre machin est amoureux de bidule, etc.

M'enfin, ils ont fait des trucs super, qu'on a exposés dans le hall, tu vois, histoire que les parents, ils voient ce que leurs mômes font à l'école, même si on comprend vite que la plupart, ils en ont rien à battre, encore un truc de ces branleurs de profs pour pas en glander une. Ils font même pas l'effort de s'intéresser aux projets, de toute façon, ils pigent rien, et en dehors de la peinture…

Mais le patron de l'asso, il est pas con, il a du réseau en plus, il est connecté aux pontes, alors pour la restitution, il a invité le mec de la DRAC, celui qui avait débloqué les fonds, et qu'il appelait au moins une fois par semaine, qu'il nous a confié, parce qu'il faut battre le fer tant qu'il est chaud et qu'il cherche toujours à débloquer des thunes pour d'autres projets, c'est comme ça que ça marche, une fois que tu as amorcé la pompe, 'faut pas arrêter de faire cracher, sinon tu mets vite la clef sous la porte…

Nous, on a tout installé, la table et les petits canapés qu'on avait préparés, houmous, saumon et œufs de lompe, les verres et les bouteilles… Le cubi, on l'a mis derrière, on est à l'école, quand même ! Quelques parents sont passés, la plupart envapés après une journée de taf, genre je chope les mômes et je vais m'abrutir devant la télé, mais certains se sont vraiment intéressés, ils avaient l'air fiers de leur môme, même, et là ça faisait chaud au cœur !

Le type de la DRAC est arrivé un peu après, sous prétexte, le boulot, tu vois, mais je suppose que c'était juste pour se faire attendre. C'était un grand type, assez jeune j'dirais, mais c'est dur de juger, ils ont tous la même gueule, costard gris, chemise blanche, pompes bien cirées, raie sur le côté, rasé de près, lunettes strictes, cravate… noire ! Ça fait gai !

Le mec, raide et coincé, il a tapé le petit bla bla, un ramassis de banalités sur l'art et la création, l'importance des artistes dans la société et l'influence bénéfique sur la jeunesse, la beauté ! « L'art, c'est la beauté », il arrêtait pas de l'dire, j'te jure ! Vraiment, à se demander ce qu'il foutait là ! J'en ai parlé au président de l'asso. Il m'a dit : « C'est des restrictions budgétaires, tu vois ; la gauche, enfin, soi-disant, ceux qui sont au pouvoir, disons, ils osent pas direct annoncer la couleur. Ça le fait pas, rapport à leur discours. Alors, à la place, ils foutent des types comme ça, qui s'occupaient avant du commerce extérieur ou de l'agriculture, qui entravent que dalle à l'art, pour eux Van Gogh c'est l'avant-garde, alors vu ce qu'y se fait dans l'art contemporain, les mecs, c'est des machines à dire non. »

Mais bon, pour le coup, là, il avait lâché le pognon et justement, quand le môssieur est parti, voir sa pièce de théâtre ou son opéra, nous, on avait un peu envie de se lâcher et de fêter la réussite du projet. Les parents et les mômes étaient aussi rentrés, le hall était vide, résonnant de nos seuls éclats de voix, sans celles des enfants, ça faisait bizarre. Alors on a sorti le cubi de sa planque et on s'est dit que ça serait dommage de ne pas le finir et de jeter comme ça, une petite partie du budget : même si c'était pas le nectar des dieux, il était pas totalement désagréable au gosier…

 

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Si l'occasion se présente de travailler à nouveau pour l'Éducation Nationale, même si le projet semble intéressant et bien payé, je ne m'y engagerai pas. Je n'ai eu qu'une seule expérience dans le domaine, mais quand j'y repense aujourd'hui, bien que plusieurs années se soient écoulées, je sens cette boule dans ma poitrine et je sais que j'ai toujours la rage.

 

J'avais déjà mis en place cette démarche plusieurs fois dans la ville, ça marchait bien. On aurait pu penser que les gens seraient intimidés, mais je me suis vite aperçu que c'était plus facile de leur demander de chanter que de les faire se raconter. C'est vrai, on ne sait jamais trop par où commencer quand il faut parler de sa vie, alors qu'une chanson à faire partager, on en trouve toujours. Peut-être que ça semble moins personnel, que ça engage moins, va savoir, ça passe mieux.

Même auprès de la mairie, ça a été facile. Je leur ai fait écouter quelques enregistrements de mes amis, ou de mes amis d'amis, ou d'autres personnes que je ne connaissais pas mais qui avaient eu vent de la collecte que j'entreprenais, et il y avait vraiment quelque chose de touchant, de sincère, qui emportait l'adhésion de tout le monde, voire qui déclenchait l'enthousiasme.

Alors, peu de temps après, une antenne de quartier m'a contacté et proposé de poursuivre ma démarche vers chez eux, par là-haut. Le budget était minime, quelques centaines d'euros, mais ça m'a donné l'occasion de rencontrer d'autres personnes, ce que j'aurais eu du mal à faire sans leur appui. En plus, ils m'ont mis en contact avec un ethnologue urbain qui m'a ouvert sur d'autres horizons et des nouvelles méthodes de collecte. Même si les institutions font souvent des appariements bizarres, puisqu'elles n'y connaissent rien à ce que chacun fait vraiment, ça produit quand même parfois de belles rencontres.

Les enregistrements ont été super, et on a même eu l'occasion d'organiser un concert pendant la fête de quartier. Les habitants sont venus sur scène chanter leur chanson, parfois en s'accompagnant d'un instrument qu'ils avaient rapporté de chez eux. Il y a même eu des duos et des trios qui se sont improvisés. Il y avait à la fois de l'énergie et de la bienveillance et, surtout, un optimisme puissant quand on s'apercevait que les échanges étaient possibles et qu'ils permettaient de mieux vivre ensemble, fut-ce pendant un après-midi ! Et ça, ce n'est pas du bla bla pour dossier de subvention, c'est vraiment ce qu'on a ressenti à ce moment-là.

 

L'expérience s'est si bien passée qu'on a eu envie de la prolonger. On a proposé le projet dans un tas d'endroits, en Île-de-France et ailleurs, là où on savait que des amis pouvaient nous relayer, et on a pu organiser d'autres collectes, avec des personnes différentes à chaque fois. On a même du monter une association, dans laquelle plusieurs personnes s'impliquaient selon les opportunités et les formes qu'on voulait donner aux restitutions.

Beaucoup de portes se sont ouvertes, associations institutionnelles, villes, conseils généraux, régions, et nous avons finalement pu travailler pour l'Éducation Nationale, moi et Karine, mon amie photographe, que j'avais rencontrée lors d'un précédent atelier et qui faisait les portraits des chanteurs. Comme d'habitude, c'est une asso qui a fait le lien et ses membres nous ont organisé une réunion avec les CPEMNDLR : Conseillers pédagogiques en éducation musicale.. Comme on ne les avait jamais côtoyés et que leur titre est si ronflant, on craignait le pire. J'avais peur qu'ils ne s'intéressent qu'à la musique écrite, sur des partitions, je pensais qu'ils dénigreraient la transmission orale, mais c'était tout le contraire, ils étaient vraiment enthousiasmés par le projet qu'avait monté l'asso à partir de notre travail.

Le boulot, c'était de réaliser un documentaire, sons et photos, sur une démarche de récolte et de transmission de chansons dans six classes de CP du département, des classes a priori difficiles, c'est ce qu'ils nous ont dit, car dans des ZEPNDLR : Zones d'éducation prioritaire, aujourd'hui appelées « Réseau d'éducation prioritaire » (REP). de quartiers pas franchement privilégiés. Mais, en même temps, et c'est là qu'ils sont devenus lyriques, ce sont les endroits où l'on rencontre le plus de « diversité », une « richesse culturelle inouïe », et ils ont ajouté d'autres superlatifs dont je ne me souviens plus. Même si on a trouvé leur vocabulaire un peu étrange, leur enthousiasme n'avait pas l'air feint et ils étaient prêts à s'engager sur un projet d'une ampleur qu'on n'avait jamais pu expérimenter, alors, bien sûr, on a accepté. Et il faut avouer qu'on a vraiment été soutenus.

Non seulement les instits étaient épaulés par des DumistesNDLR : Des intervenants en musique dans les classes. très investis, mais les profs eux-mêmes connaissaient les enjeux du projet et y adhéraient. Ils ne ménageaient pas leur peine pour pousser les parents à venir chanter dans leur classe, ils trouvaient toutes sortes de trucs pour les attirer, pour leur donner envie de transmettre une part d'eux-mêmes à tous les enfants et pour constituer ainsi un répertoire de chansons pour la classe. Il y en a même un qui a réussi à former une chorale de parents !

On voyait bien les efforts qu'ils faisaient, parce qu'on allait de classe en classe pour intervenir nous aussi. Ça a été une période épuisante, sans arrêt dans les transports pour aller dans des écoles aux 4 coins du département, mais aujourd'hui encore, ça reste une expérience inoubliable, malgré tout ce qui s'est passé après.

 

Et puis, surtout, il y avait le vendredi matin. On devait se lever super tôt, on prenait 3 métros et 1 bus, mais on était toujours contents d'y aller. Non seulement parce que c'était « notre » classe, celle où on allait le plus souvent, dans laquelle on organisait vraiment les ateliers, mais aussi parce qu'il y avait Frank, l'instituteur. On adorait son enthousiasme, sa conviction, son envie, cette sorte d'énergie qu'il dégageait et qu'il communiquait aux mômes, qui étaient des vraies piles électriques, pourtant, mais qu'il parvenait à canaliser et à orienter vers notre projet collectif. Il était ferme, bien sûr, on ne peut pas faire autrement avec des gosses comme ça, toujours excités par de nouvelles conneries à faire. Mais il les aimait, il les soutenait, il leur faisait confiance, aussi, et il avait envie de faire quelque chose avec eux.

Et lui, comme individu, il avait des choses à leur faire partager. Car Frank est guadeloupéen et, visiblement, le projet avait résonné en lui. Il n'est pas beaucoup plus âgé que nous, mais il nous a raconté que, lorsqu'il était enfant, il leur était interdit de parler créole à l'école. Alors cette fois-ci, quand il a organisé une réunion pour expliquer le projet aux parents et demander leur participation, il a mouillé sa chemise et c'est en créole qu'il a chanté. On voyait qu'il était convaincu par ce qu'il faisait et qu'il y avait de l'enjeu pour lui, qu'il ne faisait pas ça simplement pour remplir je ne sais quel objectif pédagogique. C'était quelque chose de vital, difficile à expliquer exactement. Il en parlait avec son accent créole prononcé, il bafouillait, faisait des lapsus, mais tout le monde le comprenait, les enfants, les parents, nous. Il nous a appris ce que nous faisions.

 

Avec les sons et les photos qu'on a pris, on a réalisé un diaporama d'une quinzaine de minutes. On a préparé ça pour une « étape de travail » mais, à vrai dire, on ne voyait pas trop à quoi pourrait servir cette réunion. Nous sortions de plusieurs semaines de travail intensif, nous étions investis et affutés et savions exactement ce que nous voulions dire. Alors pourquoi organiser une telle rencontre quand tout était quasiment fini ? De quelle validation avions-nous besoin puisque c'était notre projet et que nous étions les artistes ?

L'association qui faisait le lien avec l'Éducation Nationale (et qui nous payait aussi) ne l'entendait pas de cette oreille. Ils nous avaient totalement laissé faire. Ils n'étaient pas intervenus dans les ateliers, ni pour la préparation ni pendant qu'on les menait. C'est à peine s'ils nous avaient demandé quelques retours, et encore, au milieu d'un coup de fil pour régler des problèmes administratifs. Mais ils connaissaient bien l'Éducation Nationale, c'était leur principal, voire unique partenaire, et ils sont allé leur montrer ce qu'on avait fait.

Quelques jours plus tard, j'ai reçu un coup de fil. C'était un des CPEM qu'on avait rencontrés. Il m'a salué très poliment, mais un peu froidement aussi, et j'ai senti mon cœur se mettre à battre la chamade. « Nous avons visionné le diaporama que vous avez préparé, m'a-t-il dit, les photos sont très bien, mais il y a un problème avec le son. » Mon cerveau a tourné à 100 à l'heure. J'ai pensé à tous les problèmes techniques possibles, aux remarques qu'on se fait entre « sondiersNDLR : Ingénieurs du son et, par extension, créateurs sonores artisanaux. », aux partis pris de montage, avec des progressions et des retours, comme des couplets et des refrains, à mes transitions jamais cut, à la réverb, aux sons d'ambiance récoltés ici ou là, y compris sur Internet, et j'ai pensé à me justifier, mais ses remarques m'ont totalement pris de cours.

« Bon, voilà, Frank, ça ne va pas du tout ! »

Mon corps a réagi, mais pas ma tête.

« Comment ça, Frank, ça ne va pas du tout ?

- On ne comprend pas ce qu'il dit, c'est son accent. »

J'étais abasourdi. Quelque chose m'échappait. Celui qui me parlait, n'était-ce pas un de ceux qui, quelques mois plus tôt, s'extasiaient de « l'incroyable diversité culturelle » du département, de la « variété des voix » ? Et voilà qu'il ne pouvait pas supporter l'accent de Frank ? Il était assez marqué, c'est vrai, mais je savais que tout ce qu'il disait était vraiment compréhensible. Et en plus, c'était si musical…

Mais tous ces aspects-là n'intéressaient pas le moins du monde l'inspecteur. Ce n'était pas de la mauvaise volonté, je pense : il n'entendait pas, tout simplement. Ce qui le taraudait n'avait rien à voir, je l'ai compris après avoir raccroché. C'était une question de représentation de l'Éducation Nationale : que les élèves ou les parents viennent des 4 coins du monde, qu'ils parlent avec un fort accent et dans un français incorrect, ça ne gêne pas l'institution ; au contraire, ça montre l'ouverture de l'École publique et l'universalité de ses efforts. Mais qu'un enseignant, qui la représente parle avec un accent, un certain type d'accent même (ni parisien ni lillois ni marseillais), il n'est plus représentatif de l'Éducation Nationale.

Comme s'il fallait à tout prix sauvegarder l'idéal républicain de l'école, dont la neutralité cache la normativité ; comme s'il fallait qu'elle soit parfaite pour être incontestable et justifier de son emprise – au point qu'il m'a demandé de supprimer un « et voilà ! » ponctuant une phrase prononcée par une instit' ; comme si rien ne devait contester sa mission « civilisatrice » et que celle-ci était d'autant plus nécessaire que la société part en capilotade et que les valeurs se perdent, ce pourquoi, j'imagine, ils ont cru repérer un gros mot dans un brouhaha de cours de récréation, alors qu'il n'y avait rien de tel.

Tout d'un coup je me suis rendu compte, et ça m'a fait mal, qu'ils ne s'intéressaient pas du tout à ce que nous avions fait, à ce qui s'était réellement passé avec les enfants, les parents, les instits, les Dumistes, avec nous, à ce que chacun s'était appris, ce qui faisait des enseignants des personnes parmi d'autres prises dans des échanges de savoir.

Si seulement c'était parce qu'ils avaient peur que ça remette en cause leur autorité… Non, le manque de reconnaissance était encore pire : ce n'était tout simplement pas possible que les ateliers ne correspondent pas à l'idée qu'ils avaient imaginée et c'est pour ça que le CPEM m'a dit : « Mon inspectrice ne peut pas entendre ça. » Ça explique également qu'ils aient fait appel à une « experte » en contes et chansons enfantines, afin de justifier de la scientificité d'une démarche que nous menions de manière totalement empirique, seul moyen selon nous de laisser des espaces pour tous ceux qui nous chantaient leur chanson – plutôt que de la reconnaître, ou non, comme faisant partie d'un répertoire dûment recensé.

 

Ils ont organisé un cocktail pour la sortie du livre-CD. Je n'y suis pas allé, même s'ils m'ont appelé le jour même pour me répéter qu'ils comptaient sur ma présence. C'est fou ! Comme si rien ne s'était passé ! Comme si notre contentieux était anecdotique et que je ne pouvais pas me refuser à l'institution ! Alors que nous étions à peine cités, en fin d'ouvrage, dans l'ours. Alors qu'ils n'avaient renoncé à me demander des modifications que parce que je leur en avait annoncé le prix, en honoraires complémentaires, et que j'avais quand même concédé à faire des changements mineurs. Ça ne me plaisait pas, mais ça m'avait permis de tenir le plus important : Frank conservait toute sa place dans le montage sonore.

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