SILENT NOISE
commentaire

Le bruit gène. C’est un parasite, y compris et peut-être encore plus quand mon voisin, pourtant pianiste virtuose puisqu’il s’agit de Michaël Levinas, répète la pièce qu’il jouera en soirée tandis que je m’applique à rédiger ce résumé. Le bruit n’a donc pas de matériau, ni d’instrument, ni de forme obligatoires. Le bruit est utile, cependant, pour faire fuir les animaux dont on veut éviter la rencontre en campagne, et dans bien d’autres circonstances. Le bruit n’a donc pas non plus de fonction nécessaire. Mais qu’en est-il du bruit de fond ?

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Hypothèse cosmogonique

En l’absence de toute stimulation, les récepteurs cochléaires qui transforment l’énergie sonore en influx nerveux sont le siège d’une activité spontanée de fréquence très variable, par exemple cinq à soixante-dix influx par seconde chez le chat anesthésié. Lorsqu’un son apparaît, cette activité se renforce et se synchronise sur le stimulus. Le son excite donc un organe déjà animé de « décharges » analogues à celles qu’il induit et qui sont transmises aux centres sensoriels, qui n’en diffèrent en tout cas que par leur distribution dans la durée. Cette « activité spontanée » a les allures d’un bruit de fond du fait de son caractère de signal aléatoire, et sa fonction pourrait être de produire de la durée et, pourquoi pas, le temps lui-même – en tout cas dans notre perception.

L’hypothèse d’un bruit de fond nécessaire au fonctionnement de notre audition pourrait ainsi être étendue à nos autres organes sensoriels, à ce que nous produisons quand nous en faisons usage et, finalement, à tout ce qui existe – puisque rien n’existe hors du temps. Le bruit de fond ne serait pas la trace « fossile » de l’histoire de l’univers, mais sa nourrice. Tout ce qui « est » dépendrait de l’énergie qu’il porte et dans laquelle les « choses » puiseraient leur existence, et il n’est pas sans intérêt de remarquer que, dans cette conception du monde, c’est la forme d’énergie la plus dégradée, si l’on adhère aux analyses de la thermodynamique, qui serait la source et le substrat de tout ce qui se distingue et se signale en s’individuant. La conséquence inévitable des théories et des observations convoquées dans cette proposition serait celle d’une énergie nécessaire et inépuisable parce que, à chaque instant, elle se renouvellerait dans la même proportion que meurent les systèmes organisés (Pelé, 1990).

Cependant, cette hypothèse n’était pas indispensable au développement de la lutherie « mécanique » et elle a plutôt été liée à celui de la lutherie électronique. L’idée de produire du son, non plus en exploitant une « cause physique » – propriété qu’ont certains corps de réagir à des forces excitatrices en transmettant au milieu un mouvement vibratoire –, mais en se basant sur des descriptions a priori du phénomène audible et en tentant de construire des machines susceptibles de les incarner et de les paramétrer, est certainement assez ancienne, mais n’a vraiment été concrétisée qu’au début du vingtième siècle, avec le « Telharmonium », le « Theremin » ou les « Ondes Martenot ». Dès lors, on pouvait parler de synthèse sonore car la conception de ces appareils repose sur une description du son dans des termes qui en permettent le contrôle au moyen d’un petit nombre de variables. Néanmoins, cette nouvelle lutherie était modélisée par le paradigme ondulatoire de la décomposition harmonique du phénomène sonore imaginé par Joseph Fourier et il fallut attendre sa généralisation en une version « non discrète » et le développement de l’électronique pour que soit imaginée une production sonore par filtrage d’un « bruit continu ». L’hypothèse pouvait enfin être formulée dans un cadre expérimental.

 

La synthèse soustractive

Le principe de la « synthèse sonore soustractive » consiste à filtrer un signal « spectralement » très chargé, aléatoire ou pseudo-aléatoire, de manière à obtenir un profil harmonique caractéristique, et finalement un signal périodique ou pseudo-périodique auquel il suffit d’appliquer une enveloppe temporelle pour former une « note de musique ». Les premiers synthétiseurs analogiques utilisaient soit un signal périodique, carré ou en dent de scie, soit une « authentique » source de bruit, par exemple en amplifiant le bruit thermique d’une résistance au carbone. Le synthétiseur analogique RSF Polykobol II proposait ce mode de synthèse en 1983 et il a été utilisé, de façon éphémère, par Jean-Michel Jarre. Les synthétiseurs numériques utilisent un générateur pseudo-aléatoire, qui est une simulation d’automate fini pouvant prendre un certain nombre d’états dont la succession semble n’avoir aucun ordreUn générateur pseudo-aléatoire peut être conçu à l’aide d’un registre à décalage et d’une séquence binaire de taille fixe. Le registre comporte n bascules en série et il est complété par un circuit de contre-réaction réinjectant dans la première bascule la somme modulo 2 des états de certaines bascules, l’ensemble étant cadencé par un signal d’horloge. Pour autant qu’un état initial comprenant au moins un 1 soit imposé au registre, celui-ci prendra successivement tous les états possibles et distribués, selon toute apparence, de manière indéterministe.. Tous les « générateurs de nombres aléatoires » proposés dans les langages de programmation informatiques ou programmés dans certaines applications, notamment les « jeux électroniques », font appel au même type d’algorithme, et c’est le cas des synthétiseurs numériques qui proposaient ce genre de synthèse sonore à partir du milieu des années 1990.

Si la nature profonde du bruit « analogique », dû à l’agitation électronique dans tout conducteur électrique placé à une température supérieure au zéro absolu, est très différente de la simulation qui en est faite à partir d’un modèle algébrique, il reste que, dans les deux cas, on a imaginé qu’une forme pouvait émerger à partir du bruit, que la forme, en un certain sens, était un bruit sculpté ou forgé par une « information », en l’occurrence l’ensemble des paramètres du filtre par lequel ce bruit transite. Cette manière de concevoir la forme a des racines profondes dans l’hylémorphisme d’Aristote, dans le couple matière-forme qui a depuis alimenté la plupart des philosophies dualistes et qui s’est reconverti, avec la synthèse soustractive, dans le domaine du signal et de son traitement, soit électronique, soit numérique. Le bruit de fond, qui est présent dans tout système physique aux températures supérieures au zéro absolu et qui peut être interprété dans le paradigme de la thermodynamique, serait l’équivalent de la matière, et le filtre, ou le moule, qu’il soit construit par une intelligence ou qu’il soit apparu selon d’autres modalités Mais là, bien sûr, on est amené à poser la question du bruit de fond à un niveau plus métaphysique, selon qu’on attribue cette « autre modalité » à une intelligence d’un ordre extérieur à celui de l’intelligence humaine pour la clôturer sans la résoudre (par exemple : Platon, Timée) ou, comme le fait Jacques Monod (Le hasard et la nécessité), au hasard pour l’ouvrir, au contraire, sur l’immensité du « non savoir »., serait l’agent de la prise de forme.

La synthèse sonore concerne des durées, éventuellement échantillonnées, d’un ordre de grandeur de dix microsecondes pour l’élaboration de sons dont la hauteur perçue peut couvrir la totalité du registre, de l’extrême grave à l’extrême aigu. Mais les durées qui sont mises en jeu dans la composition musicale couvrent un domaine bien plus large : d’un dixième de seconde à quelques secondes (du seuil perceptif de la durée au seuil de formation d’un « motif » mélodique) pour le niveau infralinguistique de la perception consciente, et jusqu’à plusieurs dizaines de minutes pour les plus grandes « structures » de la pièce. Entre autres contraintes, la composition musicale est, par conséquent, un travail d’agencement des durées à des échelles très différentes comme l’ont bien montré Karlheinz Stockhausen avec sa notion de momentform ou Iannis Xenakis avec sa « musique stochastique ».

 

La composition musicale selon Iannis Xenakis

Musiques Formelles, de Iannis Xenakis, paraît en 1963 dans un numéro double (253 et 254) de La revue musicale aux Éditions Richard-Masse. Ce texte témoigne de son « effort de réduire certaines sensations sonores, d’en comprendre les causes logiques, de les dominer, puis de s’en servir dans des constructions voulues ». Il commence par rappeler quelle a été, selon lui, l’évolution historique de la connaissance du son, depuis l’Antiquité « causale et déterministe », avec Platon pour qui « il est impossible que quoi que ce soit puisse naître sans cause » (Timée), jusqu’au dix-neuvième siècle au cours duquel apparaissent les théories statistiques en physique. Sans doute faudrait-il nuancer cette description, car les philosophies de l’Antiquité, et au-delà, ne sont pas homogènes dans leur rapport à la causalité, même si l’idée que le hasard est la négation de la raison est prégnante dans nombre d’entre elles. Parallèlement, si la théorie des probabilités constitue un enrichissement du principe de causalité à partir du dix-neuvième siècle, l’idée qu’un phénomène puisse évoluer vers un état stable sous l’effet du hasard s’admet plus aisément si, comme le fera Iannis Xenakis, cet état stable est identifié à une sorte de but qui soumet la causalité physique à un ordre supérieur.

C’est d’ailleurs ce qu’il avait conçu dès 1954 dans sa critique de la musique sérielle (Xenakis, 1955) qui ne pouvait, selon lui, être résolue que par la prise en compte de la « moyenne statistique des états isolés et des transformations des composantes à un instant donné ». La causalité déterministe devait être remplacée par une causalité plus générale, par une logique probabiliste dont la causalité sérielle n’aurait été qu’un cas particulier. Cette causalité générale, faisait-il encore remarquer, serait celle qui régit certains phénomènes, naturels (grêle, cigales) ou non (foule de manifestants), dans le passage du discontinu des causes individuelles au continu de la perception que nous en avons et où s’exprime, en toute hypothèse stochastique, le « dessein ».

Il a testé cette démarche dans Achorripsis (1956-1957, pour 21 instruments) en énonçant le principe du « minimum de règles » : « 1) il existe, dans un espace donné, des instruments de musique et des hommes ; 2) il existe des modes de contact entre ces hommes et ces instruments qui permettent l’émission d’événements sonores rares. » Et il a décrit « l’ontologie » de cette pièce de manière assez poétique : « Dans un univers de Vide. Un bref train d’ondes dont fin et début coïncident (Temps néant), se déclenchant à perpétuité. Le Rien résorbe, crée. Il est générateur de l’Être. » Il n’est peut-être pas si important de noter que le hasard soit ainsi porté au rang de loi esthétique que de remarquer comment le temps s’y trouve diffracté selon deux registres : d’une part un « temps primaire » qui serait une sorte de glaise, mais au caractère asymétrique constituant de l’ordre lexicographique, d’autre part un « temps métrique », symétrique et commutatif, où l’organisation et les relations prendraient source… Deux « dimensions » qui cohabiteraient, selon Jean Piaget, dans la pensée enfantine.

Suivant la thèse énoncée pour Achorripsis, Iannis Xenakis a conçu, au début des années 1960, la « Musique stochastique libre », à l’ordinateur : une pièce est constituée d’une succession de séquences de durées moyennes fixes, et indépendantes, par tirage aléatoire ; la densité de sons à l’intérieur de chaque séquence est tirée au hasard (entre 0,11 son par seconde et 44 sons par seconde) avec un « effet mémoire » pour éviter les ruptures trop brutales ; la composition de l’orchestre est définie par classes d’instruments avec une proportion indéterministe ; la date d’occurrence d’un son à l’intérieur d’une séquence, sa « classe », sa hauteur (avec effet mémoire) et, éventuellement, la vitesse de son glissando, sont calculées avec les mêmes principes ; enfin, la durée de chaque son et sa forme dynamique suivent une statistique gaussienne. Le programme informatique écrit sur cette base algorithmique est paramétrable et peut ainsi engendrer quantité de « partitions », par exemple : ST/10-1,080262, ou ST/48-1,240162… ST signifie « stochastique », 10 ou 48 le nombre de « classes » (ou instruments), -x la version, le dernier nombre après la virgule étant la date à laquelle a été effectué le calcul (sur un ordinateur IBM 7090 pour ces deux pièces).

 

L’algorithme de la création esthétique d’Abraham Moles

Il convient de remarquer que Iannis Xenakis n’a procédé qu’à une exécution unique (version 1) d’un programme dont la mise au point a dû faire l’objet de nombreux essais, dont les variables paramétrables et même l’exécution réitérée auraient pu engendrer un grand nombre de partitions. On ne peut pas affirmer que son « modèle » n’était destiné qu’à devenir un objet pour lui-même, tandis que l’expérience rétrospective censée retrouver l’objet n’aurait plus servi qu’à alimenter le modèle en problèmes procéduraux, puisqu’il a tout de même créé plusieurs œuvres avec ce programme. Mais on peut néanmoins évoquer un principe de « parcimonie » et de « raréfaction » tel que l’œuvre se trouvait, en effet, instaurée selon la méthode traditionnelle de lente élaboration et acquérait, de ce fait, une certaine unicité.

Tout autre a été l’attitude d’Abraham Moles qui a posé l’esthéticien en « concepteur », en « scénariste », voire en « entrepreneur » d’art, son exécutionsa réalisation étant déléguée à une instance « machinique » : « L’esthétique informationnelle apparaît dans son développement comme foncièrement unitaire. Conformément aux principes de la Théorie de l’Information et de la Cybernétique, elle s’intéresse aux propriétés communes de phénomènes, disparates dans leur nature physique, mais qui peuvent tous être ramenés à un schéma canonique de communication. Ce schéma comporte certes de nombreuses variantes, mais repose sur la même idée de transmission d’une certaine quantité de nouveauté à un individu ou à une masse, quantité abstraite appelée “information”, qui ne doit pas être trop grande par rapport au nombre de signes qu’elle utilise. Message sonore, message visuel, message littéraire ou typographique, images mobiles du cinéma ou images fixes de la photo, des arts graphiques ou de la peinture, messages des arts des parfums ou du goût, ne sont pour elle que des canaux sensoriels physiques variés pour lesquels elle reprend toujours la même méthodologie. » (Moles, 1971)

La première étape de cette démarche consiste dans l’analyse d’un « cas » par la description du « canal », de « l’émetteur », du « récepteur » et du message, et aboutit à l’identification des éléments « atomiques » constitutifs du discours. Dans la seconde étape, les données mesurables de l’acte de communication lui-même, dans le cadre culturel où il se situe, permettent l’affectation de probabilités d’occurrence à chacun de ces éléments, ainsi que l’identification et la transposition des contraintes structurelles susceptibles de guider le fonctionnement du modèle mathématique. La troisième étape consiste à construire le modèle, à le faire « tourner » et, éventuellement, à l’adapter en fonction des résultats souhaités.

Si, par conséquent, le hasard joue là encore un rôle, puisqu’il faudra procéder à des tirages aléatoires pour alimenter le modèle, il n’a plus tout à fait le même statut que dans les schémas de composition conçus par Iannis Xenakis. D’abord, les nombres qui caractérisent le modèle sont bien de l’ordre de la statistique, mais sont extraits pour partie des réponses sensorielles aux stimuli, donc à un niveau « macrophysique », et, surtout, pour l’essentiel, proviennent des « jugements » observables à propos d’objets culturellement formés, et donc dépendent en définitive de normes sociales qu’on ne peut pas assimiler à un « bruit de fond », qui sont en tout cas de nature assez différente de ceux recherchés par Iannis Xenakis dans certains artefacts qui ressemblent aux phénomènes naturels ou, directement, dans ces derniers.

Ensuite, la « machine » assemblée pour réaliser « l’algorithme universel de l’œuvre d’art » voulu par Abraham Moles pourra être aussi complexe qu’on voudra, elle n’en restera pas moins une machine d’ingénieur, alimentée comme avec du charbon par le tirage aléatoire et seulement capable de filtrer cette « matière » selon les paramètres communicationnels préalablement analysés, tandis que la « machine » xenakienne était conçue comme une machine mentale, une machine imaginaire incorporée à son créateur par la règle et la contrainte répétée, par un choix, par un ensemble de décisions. On pourrait aller jusqu’à voir ici une anticipation des « machines désirantes » de Gilles Deleuze et Félix Guattari.

En considérant la possibilité de simuler le hasard comme une simple commodité de calcul dans une machine socialement administrée, Abraham Moles ne conférait pas au « bruit » un véritable rang « d’être » comme le faisait Iannis Xenakis dans sa recherche des lois censées gouverner les processus aléatoires. Mais en attribuant au bruit le rang « d’être » au même titre que tout autre phénomène sonore – naturel, naturalisé ou artificiel – signifiant, John Cage ne cherchera même plus à en découvrir les lois ou les raisons, et ira jusqu’à brouiller les frontières entre bruit, en tant que phénomène faisant l’objet d’une perception claire et consciente, et bruit de fond comme ce qui ne se perçoit plus que confusément, sans causalité assignable.

 

Le bruit selon John Cage

La « musique-processus » que défend John Cage s’applique à détourner la concentration cognitive et sensorielle à propos des objets au profit d’un intérêt à l’égard des relations entre les objets qui sont révélatrices de l’action humaineCette idée peut être rapprochée de celle qui définit, selon Nicolas de Oliveira, les installations, comme étant une catégorie d’œuvres qui sont le produit de pratiques artistiques « rejetant la concentration sur un objet au profit d’une considération des relations entre un certain nombre d’éléments ou de l’interaction entre les choses et leurs contextes » (de Oliveira et al., 1994). À noter que, bien que Nicolas de Oliveira estime que l’usage admis du terme « installation » pour désigner ce genre d’art remonte à seulement 1984, sa pratique est certainement antérieure à cette date.. Or John Cage pose la problématique de la création musicale en attirant aussi l’attention sur le fait que les sons préexistent à toute composition et, par conséquent, à tout compositeur. Il estime en effet que, si un compositeur cessait de considérer les sons comme de purs matériaux ou, en termes de linguistique, comme des signifiants que seule une « forme » peut faire accéder au rang de signes par l’apposition de signifiés, s’il appréciait les sons pour eux-mêmes, qu’ils aient un sens ou non, il aurait tendance à utiliser des moyens qui les rendent simplement perceptibles au lieu de « faire de la musique » : « Je n’ai jamais écouté aucun son sans l’aimer : le seul problème avec les sons, c’est la musiqueJohn Cage, titre d’une conférence prononcée à Pérouse, le 23 juin 1992, dans le cadre des Quaderni Perigini di Musica Contemporanea sur le thème « John Cage e l’Europa ».. » La composition, en ce cas, s’appliquerait moins aux objets sonores, notes de musique ou autres, qu’aux situations dans lesquelles ils peuvent exister pour un sujet sensible.

En distinguant, avec lui, la « chose » musicale de son « être métaphysique », il serait possible d’élargir le concept de « situation » des musiques-processus aux objets ordinaires, c’est-à-dire aux objets réels et concrets par opposition aux objets « surnaturels » des pièces composées selon le schéma des musiques-objets, puisque les musiques-processus composent aussi avec des objets… De même, d’ailleurs, que les musiques-objets comportent des processus, quoique soigneusement dissimulés sous une apparence « naturelle ».

Ces dernières escamotent en effet leurs procédures pour que leurs processus paraissent naturels, en composant avec des objets qui ne sont pas de simples « choses », comportant notamment cette dimension d’être que Martin Heidegger nomme « choséité », qui leur confère leur vraie plénitude. C’est précisément en s’approchant de cet « être métaphysique » du son que certains compositeurs parviennent à conjurer le réel et son « idiotie » (cf. Clément Rosset). Ainsi François Bayle, estimant que si le peintre peut trouver le modèle de son art dans la nature, il n’en va pas de même du musicien à qui elle n’offre que des bruits et non « les mélodies qui parlent la langue supérieure du royaume des espritsFrançois Bayle (1975, p. 131) cite Ernst Hoffman en précisant qu’il est aussi cité par Pierre Schaeffer en exergue de son Traité des objets musicaux : « Notre royaume n’est pas de ce monde, disent les musiciens, car où trouvons-nous dans la nature, comme le peintre et le sculpteur, le prototype de notre art… Le son habite partout ; mais les sons, je veux dire les mélodies qui parlent la langue supérieure du royaume des esprits, ne reposent que dans le sein de l’homme. » François Bayle cherche la caution de Pierre Schaeffer, mais ce dernier n’en a pas fait le même usage car pour lui, effectivement, « le son habite partout » et il appartient à l’homme de l’entendre comme musique, avec l’écoute « réduite », sans le secours par conséquent d’une « langue supérieure ». ».

C’est peut-être pour se démarquer, autant que pour échapper au schéma bien rodé d’un romantisme à la Hoffman, que John Cage a affirmé sa dissidence en revendiquant son manque d’intérêt pour les compositeurs qui ont la volonté d’imposer un sens dont ils seraient les légitimes dépositaires… Et qu’ils ne partageraient qu’avec quelques rares initiés tandis que les autres ne pourraient qu’en être « passivement » affectés en raison de leur réduction en auditeurs, selon la même démarche qui leur permet de réduire les sons en notes de musique. Le parallèle qu’il a établi entre sens et contresens est à cet égard fort éclairant : là où il y a du sens il y a, effectivement, la possibilité du contresens et, comme il semble qu’il redoutait cette falsification d’une intention qui existe quoi qu’il en soit car il était, lui aussi, compositeur, il suggérait l’abolition d’un sens plaqué sur le son pour qu’il n’y ait de sens « nulle part », donc « pas de “contre-sens” partout »Cette crainte s’exprimait déjà lorsqu’il évoquait le danger « que l’exécutant puisse tenter d’exécuter des choses intéressantes soi-disant (pour le public) », mais il l’acceptait, selon son « principe d’indétermination », comme faisant aussi « partie du hasard de la composition », car il préférait assumer ce risque plutôt que celui de paraître autoritaire : « … j’ai, en tant qu’artiste, une certaine intuition du contenu politique de l’art et il ne contient pas de police » (Cage, 1968).. Dans la musique-processus, le non-sens est, avec la non-intentionnalité, au cœur d’une philosophie en acte qui doit autant à Parménide qu’à Henri David ThoreauLe réel n’est influençable ni a priori ni a posteriori. Il est, comme le dit Parménide dans un fragment de son poème : « Il faut dire et penser que ce qui est est, car ce qui existe existe, et ce qui n’existe pas n’existe pas : je t’invite à méditer cela. » (Parménide, Poème, fragment VI, ce fragment servant également de point de départ à Clément Rosset qui en propose cette traduction dans son ouvrage : Principes de sagesse et de folie [1991]). Il y a un automatisme du réel qui n’appartient qu’à lui seul, à sa nature inéluctable, et qui n’est, en particulier, pas dû à quelque force extérieure, à quelque « double » métaphysique comme l’exprime aussi Henri David Thoreau, fréquemment cité par John Cage, dans son ouvrage le plus connu : Désobéir, Paris, Rieder, 1921., cette « anarchie » étant elle-même fondée sur un refus de toute téléologie comme de toute obéissance : « [les sons] sont, cela leur suffit. Et à moi aussi ».

L’emblématique 4’33", musique pour laquelle il affirmait avoir « travaillé » plus que sur toute autre partition puisqu’il lui fallut quatre ans pour en définir les termes n’est pas seulement une « pièce de silence », « aussi séduisante que la couleur et la forme ou le parfum d’une fleur ». Le silence étant considéré par John Cage comme l’ensemble des bruits non organisés, non maîtrisés à la suite d’un acte de composition, 4’33" peut être considérée comme l’aboutissement de la non-organisation. Comme le dit Jean-Yves Bosseur, « un tel processus suppose une totale ouverture à l’influence du monde et n’est même, au fond, que cette ouverture » (Bosseur, 2009). L’absence d’opposition entre le son et le silence lui aurait été révélée par l’expérience qu’il avait vécue dans une chambre anéchoïque de l’université d’Harvard, où il avait été surpris de percevoir les sons de son propre corps qui se démasquaient dans le calme de ce lieu. Cette « invention » le conduisit à penser que nous sommes toujours entourés de sons et que ce que l’on appelle communément silence n’est qu’une convention qui nous permet de poser la « toile de fond » adéquate pour que des événements puissent en émerger.

Il lui a alors semblé plus juste de distinguer les sons que nous produisons intentionnellement de ceux qui arrivent indépendamment de notre volonté, abolissant au passage la dualité entre fond et forme. Le silence n’est plus le versant négatif du son, étant au contraire inséparable des sons « inaperçus » qui n’en témoignent pas moins d’une fonction positive, affirmative.

John Cage nous proposait donc de nous engager dans la profondeur du sonore jusqu’à l’imperceptible, jusqu’à l’inaperçu, jusqu’au bruit de fond qui constitue l’environnement du monde intelligible de même que notre activité neuronale constitue notre environnement perceptif en l’absence de tout stimulus sensoriel. Évidemment, cette observation scientifique à propos de la mécanique « neuro-sensorielle » ne doit pas nécessairement induire sa transposition, par analogie, dans le registre des phénomènes qui en sont les stimuli. Pour autant, il serait inconséquent de ne faire aucun rapprochement entre des phénomènes qui ont tous été décrits comme des bruits de fond dans des domaines aussi variés que la cosmologie, l’acoustique ou la biologie… sans compter la théorie de l’information qui tend à les subsumer sous le principe unificateur d’une métalinguistique. Pour cette raison, le bruit de fond, ou ce que nous pouvons décrire sous ce label comme traces et origines inscrites dans l’ensemble des phénomènes observables, perceptibles, et aussi dans la perception en tant que phénomène, pourrait être le point de départ et le centre de déploiement de tout ce qui existe.

 

Analogique versus numérique

Il est impossible de conclure, à partir des travaux de Iannis Xenakis, d’Abraham Moles ou de John Cage, sur la consistance d’une quelconque thèse cosmogonique. Même si l’art peut être considéré comme un lieu privilégié de l’intuition des forces fondamentales qui régissent nos existences dans le monde, il n’a pas pour objectif l’étude de la formation de l’univers, ni d’ailleurs d’aucun objet partiel. Mais tandis que l’écrasante majorité des scientifiques s’acharne au « progrès technologique technique » et qu’une proportion non moindre d’artistes s’applique à nourrir le « marché de l’art », il subsiste, dans les marges de la création scientifique ou artistique, des démarches qui interrogent en profondeur une existence dans laquelle « l’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard » (Monod, 1970, p. 224-225). Et c’est précisément là, et au moment où cette conscience d’une existence aléatoire vient à émerger, que les motifs de hasard ou de contingence prennent consistance… Et que ce qui en est la source, c’est-à-dire un « bruit de fond » qui n’est plus le résidu des phénomènes mais leur « condition de possibilité » peut fonder et instaurer des artefacts destinés à recevoir le statut d’art.

Bien sûr, l’art n’est pas le seul domaine où l’on a interrogé les notions de hasard et de bruit : au moins depuis les travaux des scientifiques sur les phénomènes déterministes d’apparence chaotique (Bergé et al., 1988), on est parvenu à distinguer le bruit comme résultant d’un grand nombre de contributions indépendantes, c’est-à-dire le simple constat de sa manifestation dans nos appareils de mesure, du bruit en quelque sorte incorporé dans l’agencement systémique des composants de l’univers et, par conséquent, lié à la dynamique de leurs interactions. Le « bruit de fond » a alors changé de statut : il a cessé d’être un phénomène parasite induit par la chaleur à laquelle les organismes ou leurs constructions étaient soumis pour devenir, sous condition que cette énergie résulte de leur existence même, la condition essentielle de leur individuation, c’est-à-dire d’une existence qui n’est plus un « être » inaccessible par opposition à un « étant », tout aussi énigmatique dans son évolution, mais une chose incarnée, inscrite dans la durée dont on pourrait enfin considérer qu’elle-même procéderait, dans une nouvelle ontologie, de cette « transduction » ou, du moins, en serait l’expression.

Des différents exemples qui ont été proposés, c’est peut-être celui de la synthèse sonore qui expose de la façon la plus claire cette mutation. En effet, lorsqu’on utilisait dans un synthétiseur analogique une authentique source de bruit, c’est-à-dire le bruit de fond d’un composant électronique, on pouvait encore admettre l’indépendance des contributions à ce signal et en exploiter le potentiel sans interroger sa nature. Mais quand il fallut trouver le moyen de le simuler par calcul numérique, il ne pouvait plus être question que d’un processus déterministe et, à partir de là, il devenait possible de concevoir le bruit de fond observé dans les composants physiques comme étant, éventuellement, lui aussi, déterministe.

La transposition de cette idée, consistante au niveau de la microphysique, dans le registre de la « macrophysique » où nos sensations ont lieu n’était pas évidente, et Iannis Xenakis, tout en suggérant une « une causalité plus générale », se conformait encore à une lecture convenue, au moins depuis le dix-neuvième siècle, des thèses platoniciennes. Mais il n’en restait pas moins partisan de l’utilisation d’une source physico-mathématique comme point de départ de ses compositions, tandis qu’Abraham Moles s’en détachait complètement au profit d’un « calcul sociologique » en réduisant la fonction aléatoire à une simple commodité, et que John Cage jouait à la fois sur un plan métaphysique seulement suggéré et sur une démarche que, a posteriori, on peut bien qualifier de postmoderne.

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