INTERVOUÏE
intervouïe
DE MICHEL RISSE

Michel Risse nous propose dans cet intervouïe de nous livrer quelques secrets de son travail de compositeur. Les réalisations d'oeuvres de Décor sonore et les interventions d'Urbaphonix sont autant de positions et de propositions d'un compositeur hors norme.

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Comment est venue l'idée de « Décor sonore » ?

Au début des années 70, parallèlement à mes études de percussionniste au conservatoire et mes activités de lycéen-batteur dans des groupes en tous genres, je bricolais avec des magnétophones et tout ce qui me tombait sous la main : petits instruments, radios, objets domestiques ou enregistrements sur cassette réalisés ici et là.

Ces productions n'étaient pas des « compositions », je n’avais aucune intention « d’écriture », c'était typiquement ce paradoxe que permet la musique électroacoustique : des sortes d'improvisations fixées, élaborées par couches successives, dans un geste très spontané ; d'autant qu'avec les technologies analogiques de l'époque il n'y avait pas de possibilité de « repentir » (les maladresses de la première couche étaient là pour « l'éternité »). Une sorte de « house music » avant la lettre, ou plutôt de « musique de chambre à coucher », assez contemplative, on dirait peut-être « ambient » aujourd’hui. En fait je travaillais un peu comme en peinture, et le fait que ce soit plus de la « musique à exposer » qu'à donner en concert ou à graver sur disque (ça pouvait être interminable, et ça n’avait pas vraiment de début ni de fin) m'a conduit assez naturellement à les diffuser dans le cadre d’expositions qu’organisaient mes amis peintres et photographes, comme un décor, une scénographie sonore. C'est d'ailleurs le photographe Alain Willaume qui la première fois a écrit « décor sonore » sur l'affiche d'une exposition à Strasbourg. Le terme est resté et il me convenait, bien mieux qu’environnement sonore, bande-son ou ambiance par exemple. Ces pièces étaient déjà très contextuelles, puisqu’elles étaient expressément fabriquées pour un contenu et un lieu donnés.

Bien des années plus tard, nous cherchions avec Pierre Sauvageot un nom pour l’unité de production que nous voulions fonder ; c’est ce qui a été retenu, d’autant qu’après quelques années d’expériences individuelles, nous en étions arrivés à penser que la musique était plus à chercher du côté des images et de la théâtralité que du pur concert ou du disque.

 

Quelle est votre position vis-à-vis de la création musicale contemporaine ? Des arts visuels et des arts vivants ?

Si l’on développe la métaphore biologique (l’art comme une sorte d’organisme vivant, avec des artistes « nourrissants »), certains artistes du xxe siècle sont aujourd’hui totalement « digérés ». Dans toute chaîne de vie, il y a effectivement absorption, nutrition et, nécessairement… défécation. Une partie de ce que vous absorbez est transformée en énergie, certains éléments demeurent à l’état de traces et modifient votre terrain ; le reste est évacué, souvent en œuvres de second plan ou même carrément à ch… mais cette « merde » devient aussi un très intéressant agent fertilisant… Il est plus facile de parler de ce qu’on a digéré que de ce qu’on est en train d'ingérer, d’autant qu’en matière artistique nous nous nourrissons de façon permanente et très inconsciente.

Par ailleurs, je ne sais plus trop ce qu’il faut désigner par « création musicale contemporaine ». Si Jacques Attali dit vrai (comprendre : « la musique nous renseigne à l’avance sur le devenir du monde »), la constellation que représente cette création musicale contemporaine est un bon paradigme de la confusion globale ambiante et à venir, une confusion que je ressens comme vertigineuse. Je ne crois qu’en une chose : le compositeur ne travaille qu’à partir de ce qui parvient quotidiennement à ses oreilles, consciemment ou non.

Je me souviens d’un article où John Adams notait que pendant qu’il travaillait - peut être à son opéra sur la mort de KlinghofferThe Death of Klinghoffer est un opéra en deux actes de John Adams, sur un livret d'Alice Goodman. Il a été créé le 19 mars 1991 à La Monnaie, à Bruxelles, par l'Orchestre de l'Opéra de Lyon et le chœur de l'Opéra de Londres, sous la direction de Kent Nagano. - il percevait de façon assourdie la musique des dessins animés que regardaient ses jeunes enfants dans la pièce à côté, et cela transparaissait en filigrane dans sa musique. Ces influences sont rarement perçues consciemment, encore moins analysées, et quasiment jamais exprimées ; pourtant je crois qu’elles sont très importantes, essentielles même. Si j’écoute une pièce de Bruno Mantovani (je cite Mantovani parce que c’est un compositeur contemporain « en faveur », mais c’est le cas pour de très nombreux autres), j’entends une musique qui s’inspire essentiellement de la musique cultivée qui l’a précédée, un peu de celle de ses pairs actuels, très peu du reste du monde : une musique d’un compositeur presque pas à l’écoute de son environnement. C’est par excellence une musique académique, et il n’y a rien de péjoratif là-dedans ; il y a au contraire une forme d’admiration, devant la maîtrise de ce type d’écriture par exemple, mais il y a aussi une forme d’ennui dû probablement au fait que, puisqu’il s’agit d’un travail académique, l’œuvre a finalement quelque chose de très prévisibleCette sensation de prévisibilité ne tient pas (seulement) au fait que la musique soit notée sur partition : de nombreuses représentations graphiques d’œuvres (Cardew, Browne, Feldman…) génèrent des exécutions toujours renouvelées.. Elle peut rassurer des critiques et faire le bonheur de musicologues, parce qu’elle se prête admirablement à l’analyse – et pour cause, puisque c’est une sorte de synthèse réalisée à partir d’outils d’analyse bien établis – mais elle ne partage pas une écoute du monde, paraît inactuelle, et finalement ne me concerne pas. Rappelons que l’académisme a été, à une époque où la reproduction mécanique (de l’image comme du son) n’existait pas, la transmission efficace de techniques permettant la reproduction d’une œuvre et sa perpétuation. L’académisme a peut-être été une préfiguration de l’industrialisation, et l’industrialisation la forme moderne, ultime et dévoyée de l’académisme. Finalement, que l’écoute se déroule dans la salle de concert ou devant un système stéréo, c’est toujours de la musique de salon.

De là, lorsqu’il s’agit de « création musicale contemporaine », je m’interroge sur la pertinence, ou du moins l’urgence de créer des formes reproductibles. Le salon n’est pas le lieu de l’urgence, on ne peut guère ressentir d’urgence dans les galeries ou les salles de concert. En revanche on la ressent dans l’espace public, et le « street art » m’apparaît comme un parfait « salon des refusésRappelons qu’en 1863 le jury de l’Académie refusa 3000 œuvres sur les 5000 présentées pour le Salon de peinture et de sculpture. Un « Salon des refusés » fut organisé à la hâte, regroupant 871 artistes (parmi lesquels, notamment, Manet et Pissaro). » moderne, qui s’impose à la fois par sa pertinence et son audience. Banksy par exemple m’intéresse beaucoup par l’accomplissement des pièces dans leur contexte, et la remise en question du statut de l’auteur : on ne sait toujours pas s’il s’agit d’un collectif ou d’un individu, et dans tous les cas ce n’est plus un « génie romantique » (ce que cherchent encore, assez bizarrement et plutôt vainement, à être une majorité d’artistes contemporains). Par une étrange coïncidence, un jour j’ai trouvé sur mon disque dur portatif un film de Banksy, Exit through the gift shop. Je ne sais absolument pas comment ce film est arrivé là, je ne me souviens pas l’avoir jamais téléchargé (je n’avais même jamais entendu le nom de Banksy) ; je l’ai ouvert pour voir ce que c’était, et j’ai été tellement fasciné que je l’ai regardé intégralement, puis je l’ai montré à l’équipe d’Urbaphonix, alors en résidence de création. Après les lourdes contraintes financières, administratives et techniques d’Instrument|Monument, le dispositif Urbaphonix était devenu une sorte d’urgence pour pouvoir agir à nouveau avec spontanéité, sans autorisation préalable, clandestinement même, pour un public de hasard ; exactement comme les graphistes et plasticiens du street art, dont ce film me parvenait comme par enchantement, comme pour nous conforter dans nos expérimentations, puisque j’avais eu envie d’une sorte de commando de sound tagging, un geste, beau et furtif à la fois, très similaire à celui du graphe, mais dans la dimension sonore.

On peut d’ailleurs constater qu’en « arts de rue », les auteurs sont le plus souvent collectifs, leurs noms s’effacent derrière celui (souvent volontairement dérisoire ou ironique, peu propice à se prendre au sérieuxPar exemple Royal de Luxe, 26000 couverts, KomplexKapharnaüM, Ici-Même, 2e Groupe d’intervention, Cacahuète, etc.) d’un « groupe » ou d’une « compagnie » ou d’un « mouvement », et l’on n’y connaît pas de chef-d’œuvre. Il y a bien quelques vedettes, des grands succès, et même une certaine aristocratie, mais l’immense majorité est constituée d’un mélange de maladresse, d’incompétence, de générosité et de pur génie relativement anonyme. Quand je dis « génie », il ne s’agit toujours pas de génie romantique (le supposé démiurge solitaire, maître total du résultat final et fini), mais d’invention véritable, par goût et/ou par nécessité ; on peut préférer appeler ça astuce, débrouillardise ou bricolage, et réserver le terme de « génie » à des formes plus abouties et consacrées, pourtant c’est bien de génie au sens propre (engendrer, donner naissance à quelque chose) qu’il s’agit, justement parce qu’il n’y a pas d’esthétique aux contours nets, parce c’est la poïesis qui est en jeu, plus que l’esthesis. Je crois que c’est Cocteau qui disait : « Un chef-d’œuvre n’annonce rien, n’ouvre rien ; un chef-d’œuvre ferme une période, point à la ligne ». Pierre Schaeffer par exemple n’a produit aucun chef-d’œuvre, or il a ouvert une voie considérable.

Il y a une bonne trentaine d’années j’avais lu assez distraitement Le paysage sonore, l’ouvrage de R. Murray Schafer. Comme pour Schaeffer ou Cage, honnêtement, je ne sais pas si aujourd’hui ses idées ont fini par germer et se développer en moi, ou bien si mon parcours s’est naturellement infléchi dans la même direction que la sienne, comme une évidente nécessité, malgré des expériences apparemment fort différentes. En tout cas ses travaux sont aujourd’hui une sorte de réconfort, de compagnie, plus que d’inspiration directe. J’ai fini par rencontrer Murray Schafer, je lui ai dédié une pièceUn Accord des Cordeliers, 12 janvier 2010 au Réfectoire des Cordeliers, Paris. (Voir le site Internet.) à laquelle il a assisté et dont je n’étais pas du tout sûr qu’elle l’honorerait ; à son retour au Canada, il m’a écrit, une très amicale lettre manuscrite qui contenait, entre autres : « What is art if it’s not a catalogue of experiences we will never forget ? »

Cage, Schafer, Schaeffer, voilà des digérés. Le « solfège » de Pierre Schaeffer ne m’a jamais servi à grand-chose ; en revanche, l’entendre simultanément regretter J.-S. Bach et convenir que Bach ne lui a jamais procuré l’émotion et la véritable aventure sonore que constitue un clou qui tombe par terre ou une voix sur un répondeur… Là, oui, c’est une tension, un déchirement pathétique que je partage totalement. Schafer et Schaeffer sont des auteurs phares, et en tant que bons phares ils ne guident pas nécessairement vers un port, mais signalent aussi et peut-être surtout des récifs. Dès que Schaeffer a senti qu’il œuvrait à allumer quelque chose de brillant, il n’a cessé d’avertir que ça risquait fort d’être un feu de naufrageurs (Boulez ne s’est jamais posé cette question, il me semble).

Ça me contrarie un peu de devoir ainsi nommer quelques personnalités qui auraient, à elles seules, contribué à me construire, à me « nourrir ». Il y en a tant, et tant qui n’ont rien à voir avec le domaine artistique… C’est décidément une vision trop romantique de l’artiste.

Je repense tout de même à Max Neuhaus. À chaque fois que je me suis trouvé en présence d’une œuvre sonore de Neuhaus dans l’espace publicPar exemple Untitled, installé au château de Rivoli (Turin), une sorte de souffle qu’on pourrait d’abord confondre avec une ventilation ou un climatiseur, mais qui fait miraculeusement miroiter toute la rumeur urbmontantentant de la ville ; ou encore Time Piece Graz (Autriche), une masse harmonique émergeant majestueusement du silence à intervalles réguliers, s’amplifiant crescendo comme si le bâtiment du Kunsthaus se soulevait du sol, et revenant subitement à un silence, révélait, en creux, une nouvelle écoute du paysage sonore., je n’étais pas prévenu, je ne savais même pas qu’il y avait une pièce, et à chaque fois ça a été une sorte de choc très doux et très intense, un questionnement, un « effet sharawadji » merveilleux. J’ai ainsi entendu du Neuhaus plusieurs fois, non seulement sans avoir eu aucune intention de l’écouter, mais sans même le savoir ; et la qualité, la pertinence de ses propositions étaient telles que j’ai su que je vivais une expérience artistique et musicale unique et renouvelée, et qui a laissé une trace durable dans ma mémoire. Neuhaus avait fourni à mes oreilles juste ce qu’il fallait pour que tout alentour résonne et apparaisse différemment, j’avais entendu, grâce à Neuhaus, bien plus que du Neuhaus. Je n’ai pas été étonné d’apprendre récemment qu’il avait eu, lui aussi, toute une réflexion et un projet sur l’esthétique fonctionnelle de la signalétique sonore, par exemple les sirènes de police ou de pompiers, et en général tout ce qui prolifère notamment dans la circulation urbaine.

Ce qui me plaît dans ces œuvres contextuelles, c’est qu’aucun collectionneur ne peut les acquérir, elles ne s’exposent pas, ne se juxtaposent pas, ne s’accrochent pas, ne se scénographient pas. Elles sont elles-mêmes des scénographies, ou plutôt elles ont le pouvoir de scénographier tout ce qui les entoure. Impossibles à dupliquer, elles ne se reproduisent pas : au contraire elles régénèrent quelque chose à chaque fois.

 

Comment se prépare une « oeuvre » de Michel Risse ?

Je n’ai – à ma connaissance – aucune méthode définie à l’avance. On pourrait dire plus simplement que je suis très bordélique. J’ai l’impression que tout est contextuel, depuis le début, même la manière d’aborder le travail. Une opportunité, une rencontre, une situation m’amènent à réfléchir, à réunir des informations, à constituer un dispositif, à imaginer un scénario. Je réfléchis toujours énormément avant et après, jamais pendant. Cependant, ce ici et maintenant, ce n’est pas le lieu de la réflexion ou du raisonnement ; c’est celui de l’intuition, de la connexion avec des choses qui, il faut l’espérer, vous dépasseront pour pouvoir concerner d’autres que vous-même. À l’heure des choix, que ce soit au moment de la performance ou à celui de sa préparation, il faut toujours s’inspirer de ce qui est déjà présent, non seulement comme matériau (sonore ou thématique), mais aussi comme structure. À vrai dire, je n’ai pas la sensation d’écrire un scénario à partir de ce qui existe déjà, mais plutôt de déchiffrer un scénario déjà écrit, contenu. Ce n’est pas du fatalisme ou du déterminisme (encore moins du mysticisme) ; je crois que c’est la conviction que ce qui est déjà là est de toute façon plus fort et plus juste que toutes les spéculations formelles que je pourrais chercher à surimposer. Peut-être est-ce à rapprocher de la démarche de Cage, qui considérait que le hasard serait toujours meilleur compositeur que lui. Toujours est-il que ce qui peut apparaître à première vue comme un chaos ordinaire me semble, si je le regarde de plus près, déjà fichtrement organisé ! C’est vrai dans la nature, c’est encore plus explicite dans la ville évidemment.

J’avoue que je ne sais pas expliquer comment s’opèrent ensuite les choix nécessaires pour dégager de l’ordre, du sens, de la lisibilité, à partir de ce qui n’est donc pas un chaos, mais plutôt une trop grande multitude d’ordres et de sens possibles. J’avoue aussi que je répugne à donner des indications trop précises ou explicites aux interprètes, de peur de contraindre la performance à une simple exécution de mes choix, choix que je ne considère pas plus valides que d’autres. La construction s’opère donc par approches successives, une progression plus initiatique que méthodique. Ce qui est certain, c’est que je ne peux rien faire tout seul (personne ne peut rien tout seul), et que, dans une équipe de création, personne n’est interchangeable. Je crois bien que je me comporte toujours comme s’il s’agissait d’un groupe de rock, ce qui est assez infantile, mais finalement correspond à mon expérience (plus que la répétition d’orchestre ou la mise en scène de théâtre, par exemple…).
 

Y a-t-il des Partitions pour décor sonore ? Ou quelque chose qui s'y rattache ?

Je suis définitivement un musicien « concret », dans tous les sens du terme. C’est-à-dire que je peux difficilement partir d’un sujet, d’un concept, ou me mettre au travail avec un crayon et du papier. Je dis « difficilement », parce que mon parcours m’a exercé à le faire quand même, notamment pour des musiques de film ou de scène. Mais même dans ces cas-là, ce sont toujours des matières sonores, des instrumentations ou des contraintes concrètes qui me permettent d’avancer. Par exemple, j’ai eu récemment à composer et réaliser une sorte de vraie fausse musique de film noir des années 50Une cerise noire, spectacle de rue de Benoît Afnaim par la compagnie La française de comptages. (une musique très circonstancielle donc, à ne pas confondre avec une pièce contextuelle). J’ai rassemblé mes souvenirs, écouté quelques films emblématiques pour vérifier, et j’ai surtout retenu qu’il y avait un « son », mono bien sûr, une couleur et des distorsions bien particulières dues au procédé optique, avec du pleurage et du scintillement (variations de hauteur caractéristiques dues à l’entraînement mécanique du film), une orchestration typique et des manières de jouer, de phraser, de vibrer, etc., etc., largement induites, justement, par la technologie de l’époque et aujourd’hui totalement disparuesVoir, par exemple, Capturing Sound - How technology has changed music, de Mark Katz (University of California Press, Berkeley & Los Angeles, 2005).. C’est donc ce que j’ai essayé de retrouver ; et ce n’est qu’après que j’ai recouru à des « notes », des notes qui portaient ce son. Et de m’apercevoir que « l’écriture » de ces notes était exceptionnellement savante, souvent très atonale, car bien sûr une bonne partie des compositeurs immigrés à Hollywood à cette époque était directement issue de l’école de Vienne ! Je me suis efforcé de me rapprocher des procédés d’écriture de ces compositeurs, dont je n’avais évidemment pas le centième de la technique. Or, ce qui m’a sauvé, c’est de me servir des notes pour faire entendre ce son, et non du son pour faire entendre les notes. Le projet de « musique concrète » de Schaeffer, c’est exactement ça : de la matière sonore qu’on articule pour la faire mieux entendre, et non du texte musical abstrait qu’on matérialise par du son.

Je suis méfiant avec les notes, les partitions et toutes formes de représentations graphiques de la musique, depuis mes toutes premières études musicales. Ça m’a longtemps contrarié, complexé, culpabilisé, cependant ça a probablement beaucoup fortifié mon écoute et ma mémoire musicales. Dans ma carrière d’instrumentiste, j’étais toujours paralysé devant une partition mais capable de reproduire une phrase musicale à la première audition – à condition toutefois qu’elle ait un sens. C’est une écoute, une empreinte sonore globale, où il n’y a pas ségrégation entre le texte et sa matérialisation (la succession des notes et le vrai son que ça produit), et ça devient une sorte de mémoire corporelle. Je constate aujourd’hui que je travaille comme la plupart des chorégraphes, par vécu et intuition en prise directe avec le corps sonore. Une chorégraphie ne peut pas s’exécuter en lisant une partition (essayez d’imaginer une danseuse devant un pupitre), et s’élabore très rarement à la table ! Pourtant il y a bien sensation « d’écriture » chorégraphique, même si les mouvements et le déroulement ne sont pas consignés sur un document.

L’oralité reprend ainsi sa place primordiale dans le processus de création et de transmission, une place qui a été peu à peu éclipsée par l’autorité sacrée de l’écrit, jusqu’à la confusion – j’ai envie de dire l’avilissement – jusqu'à l’imposture introduite par l’imprimé. L’imprimé n’est qu’un succédané de l’écriture, l’écriture n’est qu’une trace de la parole, et la parole n’est elle-même qu’une petite partie de tout ce que le corps peut percevoir, mémoriser, organiser, signifier, ressentir et faire ressentir. Car en deçà de toute verbalisation, et à plus forte raison de toute formulation écrite, il y a bien une intelligence, et à son origine une pensée beaucoup plus complète.

L’oralité donc, avant tout. Il m’a fallu la lecture tardive de Marshall McLuhan pour comprendre et admettre la dignité, la légitimité, l’évidence de cette oralité – ou auralité – dans mon travail. Pour quelqu’un formé dans la doxa du conservatoire français, c’est presque un coming out.

J’ai été bouleversé d’apprendre récemment que le proverbe – exemple même de la parfaite transmission orale, tout comme le conte, ou le mythe – « Verba volant, scripta manent » n’avait pris le sens qu’on lui prête actuellement (les paroles s’envolent , les écrits restent) qu’après l’avènement de l’imprimerie : le sens originel étant au contraire « la parole s’envole (loin, vers l’infini, l’éternité, etc.), l’écrit reste (au ras du sol, dans la terre) ».

Cela dit, je prends énormément de notes, sans arrêt. Notes que je m’applique d’ailleurs à disperser, perdre et oublier systématiquement sur des carnets, dos d’enveloppes, cahiers, cassettes ou disques durs. Je parviens tellement bien à les oublier qu’il m’arrive parfois d’avoir la surprise de redécouvrir la même idée, notée de plusieurs manières différentes, et souvent bien après qu’elle se soit concrétisée.


Quelles sont les directions de composition (les formes) que vous privilégiez dans un travail in situ ?

J’aime que la pièce s’insinue subrepticement dans le contexte, sans qu’il soit possible de dire exactement quand elle commence. C’est une manière d’essayer de prendre en compte tout ce qui l’a précédée. Pour sa clôture, c’est plus compliqué ; j’ai du mal à m’exempter d’un final, d’un rituel, d’un signe indiquant au spectateur qu’il va désormais se débrouiller tout seul, ou pour lui signifier que l’on va devoir se quitter. En fait, ce que je parviens difficilement à éliminer, c’est peut-être tout simplement mon inquiétude quant à la réception de la pièce, donc la gratification rituelle des applaudissements ! Pourtant aucun peintre, sculpteur, architecte, aucun écrivain ne s’est jamais plaint de l’absence d’applaudissements… Ça m’avait énormément troublé sur la Jakominiplatz à Graz, en Autriche, grande place centrale, gare à ciel ouvert où nous avons installé Sharawadji Effect du 29 juillet au 6 août 2011 : j’avais tout mis en œuvre et soigneusement tenté de désamorcer les protocoles habituels de consommation de l’art, donc je n’avais aucune idée de la réception du public et ça me rendait extrêmement vulnérable et dubitatif. J’ai fini par orchestrer un rendez-vous symbolique à l’issue des 9 jours et 9 nuits de la durée prévue pour cette installation, en intégrant à la fin de la pièce des claquements de mains exécutés par l’équipe répartie dans l’espace, claquements très rares et épars au début (à la manière des acousticiens lorsqu’ils pénètrent dans une salle pour en jauger les réflexions et la réverbération), puis plus denses, et enfin transmis à un public rassemblé à la dernière minute et dirigé à la manière d’un orchestre, pour obtenir un « final stop » (derniers mots de l’annonce diffusée dans les tramways à l’arrivée sur cette place), un terminus, avant de rendre la place à son état habituel. Je me rends compte ici que c’est un matériau sonore et symbolique que j’ai déjà utilisé de manière récurrente : dans des formes aussi diverses qu’Instrument|Monument (où parfois le spectacle s’est conclu en dirigeant des concerts de sons des spectateurs – souvent leurs trousseaux de clés, peut-être pour pouvoir « en sortir ? »), Les Chantiers de l’OREI (où il s’agit de laisser une trace, une balise paléophonique dans le paysage sonore, en claquant collectivement des mains avec une grande précision), ou encore Urbaphonix (les applaudissements finissent par être dirigés par les performeurs, et ralentis à l’extrême jusqu’à ménager des silences révélant, en creux, le paysage sonore du lieu).

Quant à ce qui se passe entre le début et la fin, tout est affaire de gestion très problématique du temps, réel et psychologique : laisser le temps nécessaire, laisser une « chance » pour que quelque chose advienne, donc flirter dangereusement avec l’ennui ; cet ennui est évidemment très variable selon le spectateur, mais là encore il doit être ménagé pour lui laisser une chance « d’habiter » la pièce. Et je préfère mille fois ce risque d’ennui (la sensation de longueur), que l’ennui « fermé » que procure l’attendu, l’habituel, le trop prévisible ou le ressassement ; cette sensation d’avoir, justement, « perdu son temps », parce qu’on aurait pu aussi bien le vivre à un autre moment ou ailleurs, ou le faire vivre par quelqu’un d’autre à sa place, ou ne pas le vivre du tout. La musique pourrait se résumer universellement à ceci : attente et regret. Attendre ce qui va suivre, regretter que ce que vous attendiez soit arrivé et déjà reparti, attendre à nouveau, et ainsi de suite…

Hélène Doudiès a réalisé une intéressante analyse musicologique d’Instrument|Monument – en s’appuyant notamment sur les travaux de Hans Robert Jauss (la notion d’horizon d’attente) et de Nelson Goodman –, et elle y mentionne quelque chose que je n’avais jamais remarqué :

« Pour générer de la tension en musique, les compositeurs jouent habituellement sur les paramètres suivant : grande intensité, grande densité, chaos, le chaos provoquant un sentiment de malaise parce que l’auditeur se trouve dans l’incapacité de pouvoir anticiper les événements sonores. Dans cette pièce [Instrument|Monument] la tension générée au fil du temps peut aisément se schématiser de cette façon :

Les moments amenant les sensations de détente maximale se situent en début de chaque partie, ils correspondent à une intensité et une densité d’événements sonores au niveau le plus faible, les sons produits sont dispersés, isolés ou en petites grappes. Pas de pulsation, pas de régularité, pas de périodicité dans la succession des timbres, des rythmes, des hauteurs, rien qui pourrait permettre de prévoir, d’anticiper sur le son suivant : l’auditeur se trouve momentanément face à une forme de chaos. Par contre, les trois moments de climax, qui correspondent bien à l’intensité et à la densité les plus fortes, sont aussi les moments de plus grande régularité temporelle, avec une pulsation martelée de façon méthodique. […] Michel Risse amène donc ses auditeurs à une écoute différente de celle qui est à l’œuvre habituellement lors de l’audition de musique. Il réussit à générer une sensation de détente dans les moments de chaos, sans pulsation, où les événements sonores sont le plus imprévisibles, et il conduit ses auditeurs vers une tension maximale dans les moments de plus grande régularité musicale, où la pulsation est devenue extrêmement régulière et est même martelée, comme pour être sûr qu’elle n’échappe à l’attention de personne. »

Les moments amenant les sensations de détente maximale se situent en début de chaque partie, ils correspondent à une intensité et une densité d’événements sonores au niveau le plus faible, les sons produits sont dispersés, isolés ou en petites grappes. Pas de pulsation, pas de régularité, pas de périodicité dans la succession des timbres, des rythmes, des hauteurs, rien qui pourrait permettre de prévoir, d’anticiper sur le son suivant : l’auditeur se trouve momentanément face à une forme de chaos. Par contre, les trois moments de climax, qui correspondent bien à l’intensité et à la densité les plus fortes, sont aussi les moments de plus grande régularité temporelle, avec une pulsation martelée de façon méthodique. (…) Michel Risse amène donc ses auditeurs à une écoute différente de celle qui est à l’œuvre habituellement lors de l’audition de musique. Il réussit à générer une sensation de détente dans les moments de chaos, sans pulsation, où les événements sonores sont le plus imprévisibles, et il conduit ses auditeurs vers une tension maximale dans les moments de plus grande régularité musicale, où la pulsation est devenue extrêmement régulière et est même martelée, comme pour être sûr qu’elle n’échappe à l’attention de personne. »


Vos projets à venir ? Qu'est-ce que vous voulez travailler que vous n'ayez pas eu l'occasion de faire ? Qu'est ce que vous avez envie d'essayer, d'expérimenter ?

Parmi d’autres, le projet d’installations de « Jardins Sharawadji » me hante depuis de nombreuses années. Je rêve de pouvoir accrocher des sons comme on accroche des lampions, aux arbres, aux lampadaires, en guirlandes, en lucioles, en veilleuses flottant sur l’eau, pour créer des perspectives sonores évolutives en fonction des activités, conditions climatiques, calendriers… La notion de jardin est très féconde en musique contextuelle : un jardin est une chose vivante, où l’on ne peut pas planter, faire pousser et éclore n’importe quoi, n’importe quand et n’importe où. Sinon, justement, on fait du « hors-sol ». Vu sous cet angle, le concert traditionnel apparaît alors comme une sorte de musique de serre.

Quant à l’idée de « beau SharawadjiLe terme Sharawadji apparaît pour la première fois au XVIIe siècle sous la plume de Sir William Temple dans son ouvrage Upon the Gardens of Epicure pour désigner la manière chinoise d’organiser leurs jardins « sans ordre apparent ». Récemment réintroduit en philosophie (1976, Louis Marin) et en esthétique sonore (1995, J-F Augoyard & H. Torgue) : « le beau Sharawadji s'affirme par contraste avec la banalité dont il est pourtant issu. (…) Si la matière sonore qui suscite l'effet sharawadji reste à l'appréciation de chacun, dans un contexte donné, les paysages sonores et tout particulièrement les paysages sonores urbains peuvent, par leur imprévisibilité et leur diversité, le favoriser ». », c’est une excellente approche pour s’échapper du « tout structurel » et de la symétrie, et remettre le spectateur dans son rôle d’auteur de ses propres perceptions, le compositeur n’étant qu’un agent qui s’efforce de réunir des conditions propices pour que la musique advienne, pour que « quelque chose se passe ».

L’idée du Jardin Sharawadji réunit donc à la fois la notion d’installation sonore vivante, évolutive et pertinente sur un terrain donné – une sorte d’écologie artistique –, et celle d’organisation idéalisée du réel, sans que cette organisation soit explicite ni même visible, favorisant ainsi autant d’œuvres que de spectateurs-auteurs.

Dans sa forme finale, ce projet nécessite un dispositif technique composé d’une myriade de modules autonomes, intégrant capteurs (présence, mouvement, luminosité, température, vitesse du vent, hygrométrie,etc.), générateur, amplificateur et diffuseur, réagissant de manière musicalement cohérente à toutes ces variables, avec un cahier des charges très contraignant : petite taille, légèreté, très faible consommation électrique, omnidirectionnalité… autant dire que l’horizon de sa réalisation technique semble se repousser au fur et à mesure que j’y travaille. Je cherche encore le laboratoire, l’institution ou l’entreprise qui verra un quelconque intérêt à développer ce dispositif. Les prochaines installations de ce type seront donc des sortes de maquettes grandeur nature, réalisées avec des moyens « low-tech », hybrides et prototypiques, comme celle qui aura lieu à l’occasion de la Nuit blanche 2012 à Paris, dans le campus de Jussieu : un jardinage acoustique dans les friches éphémères du chantier de désamiantage, une promenade sensible dans un espace sonore imaginaire, bien qu’essentiellement construit à partir des éléments déjà audibles sur le site. J’espère que, cette fois-ci, je résisterai à l’envie de faire applaudir qui que ce soit… !

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