« POUR UN POÈME ÉPONGE, POUR UN POÈME SERPILLÈRE... »
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POÉTIQUE DES « BRUITS » DANS LA POÉSIE SONORE DE BERNARD HEIDSIECK

Inventeur de la « poésie sonore » au début des années 1950, Bernard Heidsieck use du magnétophone depuis 1959. D’abord utilisé comme simple moyen d’enregistrement et de diffusion de sa propre voix, il devient, à partir de 1961, grâce au microphone, moyen de prélever et d’exploiter, à l’aide du montage à même la bande, un matériau sonore non verbal. Les poèmes d’Heidsieck s’ouvrent alors à de multiples « bruits », à l’instar de la musique concrète telle qu’elle se développe dans les mêmes années 1950.

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(et ce bruit, tout ce bruit, ces voix, ce vacarme, la rue, ce grouillement, le reste, et le reste, tout le reste ; qui maintenant, ici, tapent, entrent partout, claquent, hurlent, bon, deux mégots dans les oreilles, en rire, non, mais poursuivre…) (Heidsieck, 1968)

« Arracher le poème à la page, le dévisser, le déraciner », pour « l’extraire, le brancher sur le monde, le connecter à l’électricité ambiante, aux courants environnants, aux pulsations présentes » (Heidsieck, 1968), tel est le programme énoncé par Bernard Heidsieck au tournant des années 1960, que l’extrait du poème sonore Couper n’est pas jouer met en œuvre. Des bruits, il en est question, dont le poète, dans l’extrait des « Notes convergentes : poésie action et magnétophone » (1968) lu sur la piste de gauche, souligne le caractère omniprésent, insidieux, insupportable dans la société actuelle, mais rejette l’option « deux mégots dans les oreilles », refusant de se couper de ce bruit pour se réfugier dans ce qui serait le silence de la page blanche. Des bruits, de fait, nous en entendons, sur la piste de droite : des applaudissements notamment, qui ponctuent les extraits d’un enregistrement effectué à l’Assemblée Nationale durant le vote de la motion de censure, en 1968. Par la suite, ceux-ci sont remplacés par des bruits de la rue et des bruits de manifestations de mai. Des bruits prélevés, donc, sur le tissu social, urbain et politique, plongeant l’auditeur dans une ambiance sonore effervescente. Du bruit, il en est également à l’œuvre, en ce que les prélèvements montés ensemble sur la piste de droite viennent tantôt s’intercaler, tantôt se superposer au texte lu sur la piste de gauche, rendant ce dernier plus difficilement intelligible : gênant, perturbant, parasitant la bonne transmission du message.

La poésie sonore s’entend, au sens restreint du terme, comme une poésie qui, délaissant le medium écrit, non seulement se destine à l’écoute, mais use pour cela d’un appareillage électro-acoustique – essentiellement, à partir du milieu des années 1950, du magnétophone – comme moyen d’enregistrement, de diffusion et d’écriture. Elle se confronte alors sur divers modes aux bruits. L’ « usine à sons » qu’est le corps, en fournit le premier matériau, dans le sillon des expériences Dada, ou artausiennes : souffles, cris, éructations (ce sont les Crirythmes de François Dufrêne à partir de 1953, et les Mégapneumes de Gil J. Wolman), mais aussi mouvements physiologiques internes et externes, que capte et retravaille Henri Chopin dans ses « audiopoèmes » à partir de 1959. Respirations et battements de cœur font aussi partie des bruits présents dans la poésie sonore de Heidsieck, mais cette dernière se distingue essentiellement par un usage des bruits extérieurs, captés par le microphone : bruits de la rue, bruits du métro, bruits de scies et de perceuses, bruits de machine à écrire, sonnerie du téléphone, sonnerie du réveil-matin, éclats de voix, rumeur de la manifestation, applaudissements, autant de bruits qui peuplent la poésie de Heidsieck, au point de devenir des composantes essentielles du poème, au même titre que le texte.

Conformément à son objet, le terme de « bruit » ne se laisse pas facilement définir, pouvant être appréhendé selon des approches aussi bien physiques que sociologiques, acoustiques autant que politiques. Trois aspects nous retiendront ici, à savoir le caractère indéfini, amorphe du bruit, d’une part, son caractère indiciel, voulant que, selon François Bayle (1993), « tout bruit porte indice, à seule fin d’en inférer les agents et les causes », enfin son caractère parasitaire, sens que l’on retrouve notamment dans son usage en théorie de la communication lorsqu’il désigne ce qui nuit à la bonne transmission du message. Ces différentes caractéristiques se voient en effet investies par la poésie de Heidsieck à différents niveaux et s’articulent autour du caractère fondamentalement intrusif du bruit. Nous nous proposons de partir de ces différentes acceptions du terme pour dessiner les contours d’une poétique du bruit chez Bernard Heidsieck, tentant de montrer selon quelles modalités cette poésie explore et exploite la capacité intrusive du bruit, à différents niveaux.  

 

I – « Pour un Poème éponge… » : l’intrusion du « bruit » en poésie

1 / « cré cré cré »

Un très bref regard sur l’histoire du « bruit » dans le domaine poétique nous permet de constater que cette question est au cœur de certains débats liés à la modernité poétique et aux avant-gardes. Les bruits, ce sont en effet d’abord ceux que génère la ville moderne, le progrès technique qui dessinent un tissu sonore dont le poète, « au centre de la vie moderne », chercherait à capter le « lyrisme ambiant » (Apollinaire, 1914). On aura ici reconnu les propositions d’Apollinaire qui inclut le bruit à son poème « Lettre-Océan » (Apollinaire, 1918), sous la forme d’onomatopées renvoyant aux crissement des « chaussures neuves » de poète, des sirènes des camions de pompiers ou encore des éclats de voix perceptibles dans l’environnement immédiat de la tour. L’onomatopée, assortie d’une transcription typographique évocatrice de son volume, est aussi le mode sur lequel le bruit entre avec fracas dans la poésie futuriste, via les « mots en liberté » de Marinetti, donnant par exemple à entendre le vrombissement d’un avion ou le vacarme d’un moteur et d’une mitrailleuse.

Cependant les limites de ce mode de transcription des bruits, par le biais de l’écrit, sont rapidement soulignées, notamment par Apollinaire, qui dans « Simultanéisme librettisme » entre en polémique avec les futuristes pour dénoncer cet usage comme un « trompe l’oreille » auquel « la réalité sera toujours supérieure » (Apollinaire, 1914). Comme l’a montré Jean-Pierre Bobillot qui retrace cette généalogie en détails dans ses travaux, Apollinaire imagine alors ce que réalise la poésie sonore en appelant de ses vœux à « machiner la poésie comme on a machiné le monde » et à « fournir un lyrisme tout neuf à ces nouveaux moyens d'expression qui ajoutent à l'art le mouvement et qui sont le phonographe et le cinéma » (Apollinaire, 1917).

Introduire le bruit en poésie participe de la recherche d’un nouveau langage, en adéquation avec la modernité et le nouveau paysage sonore qu’elle impose, en adéquation aussi avec les nouveaux moyens de communication et de transmission émergents. Accueillant l’hétérogène, le non articulé, le non verbal, la poésie devra alors sortir du livre, sortir de la page, et aller explorer des territoires nouveaux. Se pose en effet le problème de la notation du bruit, à laquelle la recherche musicale trouve, dès le début des années 1950, une première solution dans l’utilisation de la bande magnétique, qui permet de fixer les bruits, puis de les manipuler : de les traiter comme des objets. C’est, précisément, de la prise de connaissance de ces recherches, bien davantage que d’une influence des poètes évoqués selon une généalogie reconstruite a posteriori, que naît la poésie sonore telle que la conçoit Bernard Heidsieck.

2 / « La poésie paraît, d’évidence, pénétrer dans le territoire de la musique… »

C’est, en effet, à l’issue de concerts entendus au Domaine Musical, ceux de Stockhausen, Boulez et surtout, ceux de Cage et de Varèse, que Bernard Heidsieck a l’idée d’utiliser à son tour les ressources du magnétophone. La découverte, au milieu des années 1950, de ces travaux, ouvre des perspectives insoupçonnées au poète, qui décrit plus tard ce moment comme celui d’une prise de conscience d’un « retard » de la poésie sur la musique : « Si une révolution aussi radicale était en train de s’opérer dans la musique, il m’apparaissait comme une nécessité hurlante qu’il en soit de même dans la poésie. » (Heidsieck, 1980b, p.197) L’un des premiers poèmes enregistrés, « Poème-partition V », se place ainsi sous la triple égide la ville, de la vitesse et de Varèse.

L’acquisition d’un magnétophone, en 1959, est le point de départ d’une forme nouvelle d’écriture : d’abord simple moyen d’enregistrement de la voix du poète, il devient, très vite, à partir de 1961 et du « Poème-partition J », un moyen de captation et de restitution des bruits extérieurs, donné comme une alternative à l’onomatopée :

Grâce à lui je pouvais enregistrer des éléments extérieurs aux textes (la rue, le métro, etc.) et les incorporer dans les constructions sonores, au lieu d’accumuler, par exemple, les onomatopées imitatives. Cela m’est apparu plus logique, plus pur, plus radical aussi. À quoi bon imiter ce qui pouvait être capté en vrai  ? (Bobillot, 1998, p. 86)

Il devient, par là même, outil permettant la mise en œuvre d’une écriture musicante, ou d’une « auditure » (Bobillot, 1998), en tout cas d’un mode qui emprunte aux procédés de composition qui sont ceux de la musique électro-acoustique puis électronique : d’une « phonographie » (Macé, 2012). Heidsieck (1980a, p.169) souligne lui-même la parenté entre ces recherches et celles de la musique électro-acoustique et concrète, parlant d’une « sorte de no man’s land où l’on ne sait plus très bien qui est quoi », dont le point commun majeur se situe dans l’utilisation de la « phono-techné » (Bobillot, 1998) et la production d’œuvres intranscriptibles sur papier.

3 / « Pour un poème-éponge. Pour un poème serpillère »

Ainsi sortie du livre dont la page ne lui sert plus que de « tremplin », le poème se met donc à accueillir en son sein le bruit, les bruits, incorporés au poème de façon à en devenir une composante à part entière, un matériau au même titre que le matériau verbal avec lequel il s’articule, faisant, par là-même, déborder le poème du texte, autorisant une extension du domaine de la poésie.

À l’instar des pratiques picturales de collage et de montage desquelles on le rapproche souvent, notamment de celles des Nouveaux Réalistes dont Heidsieck était par ailleurs proche – le poème partition Couper n’est pas jouer sert ainsi de bande son au film de Villéglé, Un mythe dans la ville en 1974 – cette inclusion des bruits extérieurs peut à un tout premier niveau être considérée comme relevant de la recherche d’une forme de réalisme, d’une approche du réel qui se passe de l’imitation pour se faire « concrète et immédiate, physique » (Heidsieck, 1975). Partant, le poème, descendu de son piédestal, se fera « poème-éponge », « poème serpillère » (Heidsieck, 1968). Absorbant le bruit, le poème en exploite dans un premier temps le caractère indiciel. Les bruits privilégiés sont en effet ceux du quotidien, de la ville – le poète rapporte ainsi que c’est parce qu’il n’arrivait jamais tout à fait, avec les modestes moyens dont il disposait, à éliminer complètement les bruits de la rue sur laquelle la pièce où il effectuait ses enregistrement donnait, qu’il a commencé à les inclure tout bonnement dans ses poèmes. Le premier poème à comprendre des bruits extérieurs est le « Poème-partition J », en 1961. Les bruits de la circulation, éclats de voix d’enfants, précèdent la prise de parole du poète, formant une sorte de grisaille sonorePour une analyse complète de ce poème, nous renvoyons à la thèse de Marion Naccache, Bernard Heidsieck et Cie : une fabrique du poétique, thèse de doctorat sous la direction de Jean-Marie Gleize, ENS-LSH, 2011., un fond, façon d’indiquer que le poème ne naît pas du silence, mais de ce bain sonore même. Cependant, on le perçoit d’emblée dans cet extrait, le travail d’écriture à même la bande que suppose le montage fait passer les bruits du statut d’élément amorphe, insignifiant, absorbable par une serpillière, à celui d’élément syntagmatique, dont le sens provient de l’articulation avec ce qui l’entoure.

 

 

II – Ecriture des bruits 

1 / Usage documentaire du bruit : « biopsies »

À partir de 1966, Bernard Heidsieck se met à titrer ses poèmes du nom de « biopsie », catégorie générique créée ex-nihilo, qui sert à désigner une série non négligeable de poèmes qui seront d’ailleurs publiés sous ce titre en 2009 chez Al Dante. Terme issu du domaine médical, la biopsie désigne le « prélèvement d’un fragment de tissu sur un être vivant pour l’examen histologique » (Petit Larousse illustré, cité par Heidsieck, 1965-1969œ). S’appuyant sur cette définition, le poète sonore désigne sous cette métaphore des poèmes construits à partir d’éléments « non pas prélevés sur le corps humain, mais appartenant au corps social » (Heidsieck, 1965-1969œ, p. 5). Puisant notamment dans les discours circulant autour de lui, issus du domaine économique, social, citadin, administratif, ces poèmes incluent également des bruits, notamment les bruits de la ville et du quotidien. Le poème s’ouvre alors au banal, à l’infra-ordinaire, aux bruits que l’on perçoit sans réellement les entendre et, par un geste de prélèvement/déplacement dans un contexte nouveau dont il procède, s’apparente à la biopsie en ce qu’il permet un isolement propice à l’observation. L’amorphe absorbé par la serpillière connaît une première mise en forme, liée au geste de la ponction, et donc de la coupe.

Réalisé en 1972, Le Carrefour de la Chaussée d’Antin (biopsies 10 à 22), explicite cet usage documentaire du bruit. Heidsieck présente ainsi son poème comme « une tentative de topographie sonore d’un point chaud de Paris, d’un carrefour, au centre de la ville » (Heidsieck, 1972œ, p. 7). L’ambition du poème est donc, dans un premier temps, de restituer un paysage sonore, en enregistrant les bruits sur place :

Cela m’a conduit très naturellement à aller y faire des enregistrements sur place de différents éléments qui composent ce carrefour : ordinateurs de banque, juke-box, cafés, bruits de voiture et roucoulement de pigeons, haut-parleurs de grands magasins et bruits de la fouleInterview pour Le Miroir citée par J. P. Bobillot (1998, p. 84.).

Chacune des douze parties du poème est ainsi consacrée aux six rues et aux six bâtiments qui composent le carrefour. À la voix du poète, détaillant de façon neutre et détaillée tout ce qu’il perçoit, puis, s’arrêtant sur une vitrineLa proximité de cette pièce avec la radiophonique tentative d’épuisement de George Perec dans Carrefour Mabillon (1978) est frappante., entreprenant une lecture exhaustive des étiquettes, se joignent, en fond sonore, des bruits de la circulation, et éclats de voix plus ou moins perceptibles, des clientes du magasin qui commentent la vitrine que le poète est en train de décrire, l’ensemble construisant une forme de paysage sonore.

Le bruit est ici traité d’une manière que l’on qualifiera de documentaire, ce que son mode de notation semble confirmer. En effet le poème connaît une version écrite, qu’Heidsieck qualifie de « partition », bien que dans ce cas il s’agisse plutôt d’une sorte de transcription, partielle, du texte et des bruits qui l’accompagnent : ceux-ci sont désignés par des mentions du type « bruits de la circulation » : leur source est donc clairement identifiée, rappelée, confirmant ainsi l’intention documentaire qui préside à leur prélèvement. Le bruit ne devient pas, « objet sonore », tel que le définit Pierre Schaeffer (1966) lorsqu’il en décrit le traitement par la musique concrète. Continuant de renvoyer à sa source, il ne demande pas d’écoute réduite, qui prendrait le son pour lui-même, en faisant abstraction de sa provenance et de son sens, mais se fait signe, indice, continuant de renvoyer au contexte dont il est issu, à un ailleurs du poème qu’il désigne, ici un lieu précis. Il s’agit donc, dans ce premier usage, de faire entendre l’infra-ordinaire, de faire percevoir un quotidien non aperçu.

L’aspect documentaire est relativisé lorsque les « bruits » ne sont plus clairement identifiés comme provenant de tel endroit mais servent – à un premier niveau – à créer un contexte sonore. Ce type de traitement revient notamment dans les poèmes qui comportent une dimension narrative. Il en est ainsi des « bruits de guerre » qui formant l’arrière-plan sonore de « Chapeau » (Passe-partout n°4 - 1970), qui relate l’expérience du soldat danois et opérateur radio James Haxen et son parasitage des ondes par la lecture d’extraits de Tropique du cancer d’Henri Miller, ou encore aux « Bruits du métro » qui reviennent à intervalles réguliers dans « La Poinçonneuse » (Passe-Partout n°2 - 1970), poème à teneur également narrative qui évoque la tentative désespérée d’une employée comme poinçonneuse pour déclarer sa passion au poète usager du métro. Cependant, cette vocation d’ancrage ne saurait limiter l’usage des bruits à une dimension illustrative, de type bruitage radiophonique. Les bruits n’en restent en effet jamais au statut d’arrière-plan sonore, ou de bruits d’ambiance sur lesquels se détacherait le poème ou la narration à proprement parler. Présents au même titre que les autres éléments qui composent le poème, les bruits font l’objet d’une véritable écriture : dès lors, le bruit se charge d’une valeur signifiante, en ce qu’il entre dans une relation de type syntagmatique avec ce qui l’entoure. 

2 /« L’œil-crayon-caméra-stylo-machine à écrire-bande magnétique-vie du poème »

« L’œil-crayon-caméra-stylo-machine à écrire-bande magnétique-vie du poème » : cette expression utilisée par Heidsieck en 1967 dans Notes convergentes, dans laquelle on peut lire une allusion au concept de « caméra-stylo » développé par Alexandre Astruc puis adopté par les cinéastes de la Nouvelle Vague, doit s’entendre dans le sens que lui donne ce dernier, lorsqu’il entend arracher le cinéma à l’anecdote et à la tyrannie de l’image pour en faire un moyen d’écriture aussi subtil que le langage écrit. De la même manière, l’écriture du poème se fera à même la bande :

Les MOYENS – variés – mis à sa disposition, maintenant, mécaniques ou non, ne sont pas à considérer sous leur seul aspect de cadre nouveau de transmission mais aussi, surtout, avant tout, comme des outils de travail. La conception, la “fabrication” même du poème peuvent, doivent aussi, ainsi, s’en trouver radicalement bousculées, transformées. Ces moyens, qui plus est, mieux, doivent lui permettre de se révéler à lui-même, doivent concourir à le faire surgir de zones inexplorées. (Heidsieck, 1968, p. 85)

Il s’agit donc de conjuguer « MODE DE FAIRE » et « MODE DE DIFFUSION » (Heidsieck 1968). Les bruits subissent ainsi des traitements qui visent à les rendre signifiants. Nous en avons isolé trois, sans aucune prétention à l’exhaustivité.

Le premier traitement consiste à monter bout à bout des échantillons très courts de bruits de provenances hétérogènes, de façon à obtenir un effet de « photographie mentale » : ce traitement peut concerner les mots aussi bien que les bruits :

C’est ainsi, par exemple, qu’elle pourra restituer sur la bande magnétique, la photographie mentale (sur un plan sonore donc) des agressions physiques, visuelles, auditives de la rue, sur un déroulement cisaillé de pensées, aussi fugaces – flashs, éclairs inclus – qu’obsessionnelles, une fragmentation des mots sur la bande, instinctivement corrigés à l’audition, en restituant le rythme. Quitte à y adjoindre – si besoin est – des sons extérieurs. (Heidsieck, 1980b, p. 210)

Ce procédé est à l’œuvre par exemple dans « La convention collective » (Poème-partition, 1965), montage très rapide et bout à bout de bruits divers (voiture qui freine, cri d’enfant, voix non identifiée) sur temps très court.

Un second mode de traitement tient davantage du parasitage, obtenu par exemple par un travail de mixage et de déroulement simultané des deux pistes dans « Poème-partition B2/B3 », où un texte détaillant des techniques bancaires, enregistré sur la piste de gauche, est parasité par des éclats de voix accompagné d’un fort écho, se déroulant simultanément sur la piste de droite. « La Poinçonneuse », et ses bruits de métro qui viennent par instant couvrir la voix lisant la lettre de l’employée du métro, en offre un autre exemple. Ce phénomène de parasitage est au cœur du Passse-Partout n°29, « Kockums AB ». Réalisé en 1980 pour le Kunsthalle de Malmö, le poème revient sur sa propre conception en présentant « deux monologues intériorisés qui s’enchevêtrent et s’entrecroisent », l’un en relation avec le lieu de la manifestation, l’autre qui relate ses rencontres avec les autres participants, de Fluxus notamment. « L’un et l’autre sont progressivement agressés, envahis et saturés par le bruit de l’arc à souder en provenance de KOCKUMS AB » (Heidsieck, 1969-2004œ, p. 55).

L’intrusion progressive des bruits de l’art à souder est relevée par le poète, dont elle perturbe le cours du monologue intérieur :

Piste de gauche : « (Mais qu’est-ce que c’est que ce bruit ?) / (Qu’est-ce que c’est ?) / (C’est horripilant !) / (/…) (Non ! c’est odieux !) / (D’où est-ce que ça vient ?) / (D’où ?) / (D’où ?) »

Piste de droite : « J’aurais bien aimé parler un peu avec eux ! / (Ach ! Ach ! mais ce bruit !) / ce BRUIT !) »

La figuration de l’envahissement est particulièrement éloquente sur la partition, où les marges sont progressivement envahies par des lettres tapées à la machine, rappelant vaguement le bruit (ZZZZ de la scie) mais figurant surtout son caractère amorphe par l’usage de séquences de lettres inintelligibles, qui débordent peu à peu sur le texte et l’interrompent. (Fig.1) D’abord non identifié, le bruit est subi comme tel, dans son caractère intrusif. Mais dans un deuxième temps, il est identifié dans le monologue intérieur et référé à « Kockums AB » entreprise de construction maritime de la ville/ Le propos du premier monologue intérieur se centre alors sur l’entreprise, et sa faillite. 

 

C’est KOCKUMS AB qui se venge ! Sur SA VILLE (…) ce sont eux qui émettent ces signaux sur la ville ! / Constamment ! / Sur nous ! / Nous tous ! / En guise de tocsin, de rappel, de mise en garde ! / C’est leur façon de crier au loup ! / Ils ne nous laisseront pas roupiller avec ça !

Moi KOKUMS AB j’étais fait pour faire des bateaux ! / J’attends d’en faire ! (…) Et je projette mon arc à souder sur chacun ! / Pour les empêcher de roupiller ! / Et leur dire que la FATALITE n’est qu’un défi !

Sa prise en charge par le discours transforme alors le « bruit » en « signal » et en « signe », dont il propose une traduction pour, dans un troisième moment, faire de ce bruit un symbole, un exemple de l’ensemble des bruits émanant d’autres villes d’Europe, où ils symbolisent une situation économique et sociale : « Et dans les Vosges, un relent de machines à tisser ! » « C’est l’HISTOIRE qui se fait, ici ou là, de la même façon ! » Dans ce cas précis, le bruit se dote d’une valeur symbolique, par sa prise en charge par le discours qui ne masque cependant à aucun moment son caractère parasite mais le prend en charge pour le rendre signifiant, comme le ferait une légende sous une image.

Le travail de montage intègre enfin les bruits au sein d’un ensemble paratactique où, qu’il soit monté à d’autres bruits ou à des unités signifiantes, le bruit prend sens à la faveur d’une logique qui est celle du montage dialectique, c’est-à-dire du rapprochement de réalités opposées dont le choc autorise la création d’un sens nouveau qui n’est pas la somme des deux premiers. Cette logique se rapproche du procédé du cut-up mis en œuvre et théorisé à la même époque par William Burroughs et Brion Gysin dont Heidsieck était d’ailleurs proche.

Ainsi les « bruits, grésillements et vrombissement d’insectes » qui forment le nappage sonore de la première partie de « Coléoptère & Co » (1965) font-ils bientôt place aux « hurlements de voitures en foule et en liberté » d’un embouteillage. Le simple rapprochement de ces deux types de bruits, et leur proximité sonore que le passage subreptice de l’un à l’autre suggère, permet d’opérer un rapprochement mental entre le grouillement des insectes et celui des voitures. Le texte qui s’énonce par-dessus ce nappage sonore, constitué lui-même d’un montage d’énoncés scientifiques sur les coléoptères, bascule alors, à la faveur de cette substitution des bruits, dans un régime métaphorique. Le montage des bruits de la rue et éclats de voix enregistrés à des citations issues d’ouvrages de Guy Debord, Raoul Vaneigem, Jean Baudrillard ou encore Henri Lefebvre, qui sont autant de critiques de la société de consommation alors émergente, confère de la même manière à ces bruits une dimension symbolique dans Le Carrefour de la Chaussée d’Antin. Comme le souligne Heidsieck, le prélèvement des bruits « ne se veut nullement illustratif, une sorte de simple illustration sonore du carrefour. Tout cet ensemble est en effet intimement mixé au texte qui jalonne, de bout en bout, ce tour de piste du carrefour » (cité par Bobillot, 1998, p. 84). Il s’agit donc bien, selon l’analyse qu’en propose Jean-Pierre Bobillot, de « se colleter à une matière indéterminée, brute, non signifiante, mais évocative et par le travail du poème – par cadrage (le choix) autant que par le montage (la forme) – de l’ordonner, de l’agencer selon une syntaxe, une sémantique, une stylistique […] bref, de la rendre signifiante, de la porter au statut de signifiant poétique » (Bobillot, 1998, p. 84), travail que l’exhibition de la coupe, par l’introduction d’un léger blanc, rend évident, en ce qu’elle coupe court, justement, à la tentation naturaliste. Les bruits, pris dans le travail de montage, se chargent de valeurs sémantiques et deviennent matériaux poétiques au même titre que les autres.

Une telle intégration par le montage ne s’assimile cependant pas à une « domestication » du bruit, ou à un devenir poétique du bruit comparable à ce que serait un devenir musique du bruit, une transformation du bruit en « son convenable » (Schaeffer). Bien au contraire, le traitement des bruits dans la poésie de Heidsieck veille non seulement à en préserver mais à en réactiver, semble-t-il, la capacité de nuisance, à la faveur d’un déplacement dont nous allons tenter de cerner quelques modalités pour finir. 

 

III – Communication / re-communication

1 / Irruptions et parasitages

En nous attachant aux modalités d’insertion du bruit dans le poème nous avons provisoirement fait abstraction d’une dimension pourtant fondamentale, qui est celle de la performance du poème en public, celle du moment de l’écoute pensée pour être collective. Or celle-ci est d’autant plus importante chez Bernard Heidsieck que sa poétique se fonde, dès le départ, sur une prise en compte de ce contexte. Poésie « action », la poésie d’Heidsieck se donne pour telle à partir du moment où le poème ne trouve pas son point d’achèvement dans la fixation sur bande ou sur disque, mais dans le moment de sa performance.

En 1969, Heidsieck remplace le terme de « biopsie » par celui de « passe-partout » pour nommer ses poèmes. Si la logique propre à cette série est comparable, le changement de terme met l’accent sur une propriété différente du poème, liée cette fois non pas au geste dont procède sa réalisation, le prélèvement, mais sur sa réception : le « passe-partout » désigne en effet une clef destinée à ouvrir n’importe quelle porte, mais aussi « toute chose neutre, indifférenciée, sans caractéristique propre, et dans ce sens non identifiable, se fondant dans son environnement, dans la banalité donc, et rejoignant ainsi la notion d’éponge, de serpillière… » (Heidsieck, 1969-2004œ, p. 5.) Mais exposer une serpillière dans un musée, c’est justement jouer d’une intrusion dans un contexte non prévu à cet effet, de façon à créer un effet de choc qui dévoile des propriétés non perçues tant de l’espace d’accueil que de l’élément déplacé. C’est, on l’aura reconnue, la logique qui préside au ready-madeSur ce thème nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage, Poésies ready-made, xxe – xxie siècles. 2015. Paris : L’Harmattan., qui se voit investie d’une manière toute particulière par la poésie de Heidsieck à partir précisément d’une exploitation du bruit comme intrusion. D’une manière générale, que son expérience d’écoute prenne place dans un cadre privé ou public, l’auditeur est confronté à des bruits qui n’appartiennent pas à son environnement sonore immédiat au moment de l’écoute. En revanche, il reconnaît ces bruits comme appartenant pour la plupart à son expérience quotidienne. La relation acousmatique (les bruits sont, sur scène, diffusés par les haut-parleurs) ne conduit pas ici à faire du bruit une énigme en le coupant de sa source, mais bien au contraire à convoquer des images mentales parfaitement inadaptées à la situation, provoquant un télescopage des espaces temps sur lequel joue le poème.

Ainsi dans « La Semaine », la sonnerie stridente du réveil, soit un bruit familier, entendu quotidiennement dans la sphère privée, au moment dirait-on le moins socialement partageable, celui du réveil, retentit dans un contexte non approprié. Ainsi isolée et amplifiée, elle en devient difficilement supportable à l’écoute. Espace public et espace privé, mais aussi temporalité publique et temporalité privée, par le travail qui suit de montage bout à bout des indicatifs horaires donnés par la radio Europe n°1, rythme quotidien et rythme social, se mêlent ainsi dans l’espace et le temps de l’écoute pour faire ré-éprouver à l’auditeur/spectateur ce qu’il subit tous les jours, sans nécessairement le percevoir comme tel, le caractère oppressif et coercitif de son environnement sonore qui l’enjoint, en permanence, à ne pas perdre de temps pour aller travailler.

La seule implémentation nouvelle du bruit – sa sonorisation, son amplification – associé à son montage avec d’autres éléments, en accentuent ainsi le caractère intrusif pour le rendre intolérable. Le poème fait alors montre de sa vocation à « déciller, déchloroformer », à « rouvrir la plaie de certaines évidences » (Heidsieck, 1968) que leur quotidienneté même nous rendait invisible.

2 / Des bruits dans la communication, du bruit comme « re-communication »

Partant, l’ensemble que nous avons commenté jusqu’ici doit également être envisagé dans sa relation avec ce troisième terme qui se dessine au moment de la performance, qui se constitue d’un ensemble d’attitudes et de gestes et adjoint la vision à l’écoute. Où l’on s’éloigne un peu plus de la relation acousmatique prévue par la musique concrète pour se rapprocher de l’esprit Fluxus. Lors de la retransmission de « La Semaine », le poète se met ainsi en scène en train de se raser, soit en train d’effectuer un geste banal, mais intime, qui se voit à son tour déplacé. Sonore, la poésie de Heidsieck est aussi et surtout pensée par l’auteur comme « poésie action » :

Ainsi retransmis, poèmes et textes deviennent plus que ce qu’ils sont d’ordinaire. Ils sont eux-mêmes, bien sûr, des mots, un cri, du son, un souffle, du sens, mais ils sont en outre, l’image qu’ils offrent d’eux-mêmes, qu’ils s’adjoignent, qui finit par leur coller à la peau, et qui n’est autre que celle que leur “imprime” – par son comportement, sa façon d’être, ses gestes, sa voix, sa tension, son corps – le poète lui-même. Le poème devient alors “ça” + “ça”. Un tout indissociable). (Heidsieck, 1983, p. 258)

Les bruits entrent alors dans un dispositif intermédiatique qui relie des éléments hétérogènes et les fait fonctionner ensemble : la diffusion de la bande son et des bruits qu’elle contient, la lecture à voix haute du texte par le poète, son action, ses gestes, attitudes, ses interactions avec les spectateurs et leur présence même, et, parfois, complétant le poème, les bruits de la salle elle-même – comme le prévoit de manière toute cagienne le poète pour « La Pénétration« Ce mécano-poème n’est achevé que lorsque se superposent à la charpente ci-après, dans un même enregistrement, les bruits ambiants, quels qu’ils soient, captés au hasard, au cours même de son audition » (Heidsieck, 1973œ). ».

Le mode de signification des bruits est alors à penser en relation avec chacun des éléments de ce dispositif qui fait le poème. Davantage encore, il semble qu’il fonde le poème même comme dispositif communicationnel. Le moment de la performance est en effet pensé par Heidsieck comme un moment où se joue un échange, une forme autre de communication qui passe par d’autres modalités que celles de la prétendue « communication » permise par les nouveaux moyens de transmission et les médias. La communication – ou plutôt son absence, ses ratés, ses manques – est une problématique au cœur de la poésie d’Heidsieck, que l’on pense notamment à Canal Street, un ensemble réalisé en 1973 à partir de planches de collages utilisant des vieux transistors trouvés dans Canal Street, à New York, moyens de communication usagés, inusités, incapables désormais de transmettre quoi que soit, qui se voit réagencés, réutilisés dans des dispositifs autres – réactivés sur un mode autre. Selon une logique comparable, presque inverse, le bruit, terme qui en théorie de la communication désigne ce qui fait obstacle à la bonne transmission du message, se voit réinvesti, utilisé pour cette capacité de perturbation même de la « bonne » communication, comme élément de reconstitution d’un mode de communication autre : de « re-communication », celle-là même qui a lieu dans le hic et nunc de la performance :

or donc il s’agit, de ressusciter une amorce de dialogue : que le poème, en somme, en sortant de la page […] recouvre sa dynamique primordiale, essentielle et physique, guidé par le souci de faire mouche, de renouer un contact-choc (agressif ou tendre, qu’importe, ceci est un autre problème), avec l’autre, les autres […] par le biais de moyens charnels, à savoir, directs, immédiats et instantanés. (Heidsieck, 1983, p. 60)

L’utilisation de moyens de circulation et de communication permis par les techniques alors nouvelles ne trouve sa réalisation pleine que dans une communication proximale, dans le contact physique et charnel, celui-là même que les nouveaux de communication exclu :

Elle se doit d’agir, d’atteindre et de frapper physiquement. […] La poésie devient accessible et transférable. Emetteur et récepteur finissant par se confondre au cours de sa transmission, par agir de concert, par dialoguer, jouer, agir ensemble (Heidsieck, 1983, p. 126)

Ainsi des nombreux poèmes qui thématisent une communication empêchée comme « La Poinçonneuse » ou « Ruth Franken a téléphoné », et/ou qui mettent en scène un canal de communication perturbé : à la communication verbale empêchée se substitue, dans le moment de la performance, une re-communication, d’un autre ordre, d’ordre poétique, dans laquelle l’intrusion du bruit prend elle-même une valeur communicative, renversant les principes d’une « bonne communication » selon les théories consacrées pour « réduire à rien le contenu informatif et mettre l’accent sur le bruit », comme l’analyse Jean-Pierre Bobillot (1998) : « mais un bruit communicatif ».

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