THE EXORCIST- ANTIPHON DUB
hors-norme
POUR PIANO PRÉPARÉ, BASSE ET VOIX

Une auscultation du bruit, entre les coutures parfilées du film The Exorcist (1973) de William Friedkin. Une oraison abstraite jaculatoire qui exorcisera le bruit, mais à bas bruit. 

cast

Bass............. Denis Bernardi
Voice.......... Ivan Magrin-Chagnolleau
Piano............ Frédéric Mathevet

Technics

Pierre Chailloleau
Florent Denizot
François Salmon
Adrien Soulier

Thanks

Pascal Spitz
Frank Gillardeaux

 

La performance a duré le temps du film. Il ne restait du film que les sous-titres (V.O.) réorganisés par ordre alphabétique et replacés selon l'apparition et le rythme des sous-titres originaux.

 

 

Lorsque le récitant chantait une partie complète ou un morceau de sa partition il pouvait l'ingérer. Il a distribué aussi, comme une ostie, les fragments chantés au public et aux autres instrumentistes.

 

 

Le bassiste disposait d'une partition à l'échelle 1. Les signe présent sur cette partition étaient pris dans une ambiguïté : entre son à produire et processus de jeux.

 

 

Pour briser la relation facile entre le geste sonore et l'action diégétique du film, les notes à jouer au piano étaient au sommet de ballons gonflés à l'hélium.

 

Si certains artistes ont pu imaginer un « bruit » industriel pour penser une musique en accord avec leur époque, peut-on envisager aujourd'hui, de la même façon, un « bruit » post-industriel ? Une musique pour un peuple post-industriel et post-capitaliste semble devoir renoncer aux vertus que le « bruit » a pu symboliser dans l'histoire des musiques et des arts sonores récents.

En effet, que reste-t-il de « bruit » dans un monde où le « mickey mousing » s'est généralisé et globalisé ? Comment, dans une société qui compose et qui calibre tous les bruits de son environnement comme une bande sonore, le musicien peut-il espérer écouter et concevoir des « bruits » au premier degré ? Force est de constater que les « bruits » ne sont désormais que des signes interchangeables sur l'axe paradigmatique du grand syntagme sensible post-capitaliste.

Il ne peut donc rester de « bruit » que ce son inexplicable, relayé au grenier, par lequel commence tout bon film d'horreur. Un bruit annonciateur d'un désordre diégétique qui a définitivement déserté le sensible clinique de notre société. Le « bruit » à qui on a imposé une forme est simultanément dépossédé de toute sa vigueur « plastique » : à la fois informante, déformante et explosante.

The Exorcist (1973) de William Friedkin ne déroge pas à la règle du bruit entendu dans le grenier. Il est même symptomatique de cette dépossession. Le bruit est alors « l'enfant entêté », l'idée fixe, le signe fixe (en Allemand Eigensinn comme le rappel Pascal Quignard) qui, à l'image du conte des frères Grimm, s'impose par un retour incessant, refusant d'être relégué au grenier.

Il laisse apercevoir aussi l'indocile qui l'habite, celui qui plie les corps, qui déprave la langue et qui questionne le lien social.

Nous avons proposé dans cette performance une invocation du « bruit », une rencontre avec le bruit sans présupposé de sa quiddité ou de sa forme.
Le film évidé en était le réceptacle : à la fois une surface en creux, disponible à l'échouage et à l'inscription, toujours temporaire, des bruits.

Devant le film, une mascarade.

Un rassemblement de personnes et d'objets qui s'activent et qui évoquent autant une messe qu'un doublage en postproduction. C'est ce « doublage », ce « dub » qui ouvrait un interstice, comme lorsque l'on constate que les paroles correspondent mal aux mouvements des lèvres. Une coupure relayée par une re-diagrammatisation des signes du film, rendus à leur indocilité inhérente.

La langue, les images, les gestes, les sons sont pris dans de nouvelles configurations dynamiques, un « shape-shifting » qui conjure le bruit des idéologies mortifères qui l'habitent et lui rende la « plasticité » qui est la sienne. C'est l'entre-deux qui est comme un œil ouvert (et une oreille) sur un champ de forces qui fait advenir et muter le bruit.

Une auscultation du bruit,  entre les coutures parfilées du film.

Une oraison abstraite jaculatoire qui exorcisera le bruit... mais à bas bruit.