THE QUEEN MARY IS DEAD
hors-norme
PERFORMANCE PUNK-ELECTRO-LYRIQUE

Performance en duo (un musicien + une performeuse) devant une projection vidéo (écran de 3 m x 5 m), avec une machine en acier à roulettes (potence à bouteilles). 

Cette performance traite du bruit en reliant différents domaines et styles esthétiques, en jouant de leurs codes.

Devant un écran vidéo où est projeté un montage d’archives de chantiers navals entrecoupées d’extraits du Cuirassé PotemkineLe film Le Cuirassé Potemkine, réalisé par Sergueï Eisenstein en 1925, romance la révolte de marins qui eut lieu vingt ans auparavant à bord du cuirassé Potemkine, dans le contexte de la révolution de 1905. Film de propagande, il répond à une commande du gouvernement soviétique pour commémorer le vingtième anniversaire de la Révolution de 1905., Hélène Singer, en bleu de travail et coiffée d’un chignon punk, se lance dans une improvisation vocale de type bruitiste, accompagnée du musicien électro Naked Tears qui mixe en direct. La lumière jaune se mêle à la fumée pour compléter cet environnement reconstitué de chantier naval. Sa voix accompagne sans mot ces images, sans pour autant les illustrer ; elle se fait crissante, criarde, gutturale ou saillante, selon les sons lents ou rythmés, métalliques ou funèbres du musicien. Après un intervalle où la salle est plongée dans le noir, apparaît sur l’écran le paquebot Queen Mary 2.

La performeuse se met à chanter de manière lyrique l’air de La mort de Didon extrait de l’opéra Didon et Enée de Purcell, sur une boîte à rythme électro. Alors que le calme semble enfin s’être installé et qu’elle interprète avec conviction cet air tragique, le médaillon de la Reine Elisabeth II (avec le graphisme des Sex Pistols) apparaît en grésillant, puis se fixe sur le paquebot dans un son distordu : la performeuse hurle alors, en jetant une bouteille de champagne accrochée à une potence à roulette, sur la « Reine ». Un bruit de fracas se fait entendre (grâce à un système de capteur présent derrière l’écran) et le médaillon disparait. Elle chante à nouveau l’air de Didon, puis recommence l’action quand le médaillon réapparaît. Ce deuxième éclatement de bouteille déclenche une musique électro speed sur laquelle elle lance des cris punks et des insultes à propos du bateau et de la reine. Une troisième bouteille arrive : la performeuse l’éclate à nouveau sur le médaillon, l’image disparaît, quelques sons électro résonnent encore. La salle est plongée dans le noir.

Cette action de baptême trash, aussi burlesque que violente, n’a pas de visée politique. Elle cherche à mettre en bruit la pulsion anarchiste elle-même, qui remet en cause la bienséance et les codes sociaux et esthétiques. Ces derniers sont ici symboliquement explosés. Le punk versus le lyrique, la beauté de l’objet de luxe versus le bruit du chantier nécessaire à sa construction. Un jeu « d’amont et d’aval » est mis en place : le chantier salissant et bruyant, en amont du bijou royal (le Queen Mary), doit disparaître pour n’offrir aux yeux que la perfection et la puissance du paquebot. Les Sex pistols et les punks anarchistes cherchent quant à eux, en aval de l’histoire royale implantée dans la société britannique, à remettre du désordre (chantier : « fam. Lieu où règne le désordre. Bazar, bordel », Petit Robert) dedans. Le geste de baptême anarchique du Queen Mary est une sorte d’affirmation nietzschéenne que les Sex pistols voulaient exprimer : la Reine est morte ; à comprendre comme « ce que la Reine représente ». La tradition de la bouteille explosée sur le navire pour lui porter chance aurait par ailleurs des origines sanglantes et elle ferait écho à un proverbe anglais selon lequel « celui qui n’a pas goûté au vin goûtera au sang »… Sentence aux accents révolutionnaires, qui fait écho à l’appel sanglant des mutins hissant fièrement le drapeau rouge sur le mât du Cuirassé Potemkine.

 

Equipe

Conception / voix : Hélène Singer

Bande son / création sonore : Naked Tears

Ingénieur du son : Frank Gillardeaux

Assistance et régie son : Léo Grislin et Eléonore Mallo

Captation vidéo : Séverine Grange

Remerciements à : Gérard Pelé, Yuriko Hirohata, Julien Flotté et l’équipe technique de Louis Lumière